1.08.2025
Le réveil m’arrache à mon sommeil profond, je ne lui en tiens pas rigueur et je saute du lit pendant que Princesse s’habille déjà (pas de conclusion hâtive, svp). Nous n’avons pas un mais bien deux avions à prendre. Uber est à l’heure, la fille de ma belle-mère a compté large, très large, vous la connaissez désormais. Nous arrivons à Zaventem sur le coup de 4h, pour un décollage à 7h. Cela nous laisse le temps de prendre le petit-déj et d’observer le ballet continu des vols charters à destination d’all-in au soleil pour des vacances achetées sur catalogue. Pour nous, point de vacances mais un voyage de trois semaines, vers l’inconnu et au-delà.
Parti de Bruxelles avec 25 minutes de retard, l’avion atterrit à Vienne avec 5 minutes d’avance, ça roulait bien, pas d’embouteillage. Le vol suivant est deux fois plus long, nous débarquons sur le tarmac de Tbilissi à 16h30, soit 14h30 pour le Manneken Pis, sous une chape de plomb.
J’avais lu sur un blog qu’il fallait absolument éviter les taxis de l’aéroport, faire le change dans le centre-ville, et prendre tel opérateur mobile mais pas dans le terminal. Pour l’avoir vécu, ne vous embêtez pas avec ces conseils à deux balles, vous trouverez tout ce qu’il faut dans le hall des arrivées.
C’est donc en taxi, qui roule à tombeaux ouverts, que nous rallions notre hôtel beau de loin (dans le catalogue) mais loin d’être beau. Au moins il y a l’airco, après l’avion, nous ne sommes plus à ça près niveau empreinte carbone. L’aubergiste est aussi accueillant qu’une porte de prison Belge, cela n’entame pas le moral des troupes qui partent à la découverte des environs. Objectifs : (1) le change au meilleur taux possible. Cela n’a l’air de rien, mais vu les sommes astronomiques en jeu, la différence de taux se converti en dizaines de Frisko. Et (2) la carte SIM Magti, l’opérateur offrant la meilleure couverture. La boutique officielle est fermée, cela patientera demain. Mais nous ne sommes pas rentrés bredouille, nous avons déjà pris la température de la ville, brûlante, ainsi que le souper dans un doukani, une taverne tapie dans la pénombre d’un sous-sol. Kachapuri et raviolis au menu, sans le moindre atome de légume, bonjour le régime. Du coup, nous avons décidé de prendre une crème glacée aux fruits comme dessert, 5 fruits et légumes par jour.

2.08.2025
Nuit correcte, bercés par le ronron de la climatisation et le bruit des voisins. Princesse a eu froid cette nuit, pourtant l’airco était réglé sur 25 °C. Nous avons du mal à émerger, le petit-déj est servi dans la cave de l’hôtel, comme un doukani, et il n’y a pas de choco. Le Spar du coin n’accepte pas le cash, j’ai fait l’aller-retour pour rien, nous nous contenterons de la confiote, donc des fruits. J’exhorte néanmoins les garçons à prendre quelques crudités au préalable, ils y vont du bout des lèvres, ça passe moins bien que le choco. Puis direction le Magti, on ne chipote pas, une carte SIM pour Madame, une carte SIM pour Monsieur, et deux forfaits unlimited, very unlimited d’après l’opératrice. Nous voici donc à nouveau connectés en permanence avec le monde entier. Assez rigolé, nous descendons dans les entrailles de la capitale, l’escalator authentique en bois n’en finit pas de plonger : la station de Rustaveli se trouve à 60 mètres de profondeur sous le niveau du sol, en quelques minutes, le métro qui sent bon les années sixties soviétiques (avec une touche de modernité : chargeurs USB à disposition des voyageurs) nous mène à Alvabari, le quartier de la vieille ville, ou le vieux quartier de la ville selon le point de vue. S’y trouve logiquement la cathédrale de la Sainte-Trinité, flambant neuve vu que sacralisée en 2004. Du haut de ses 105 mètres, elle s’impose majestueusement aux regards et s’érige verticalement vers le ciel, comme le ferait un ascenseur relié au paradis.





Après, les visites s’enchaînent, les litres d’eau aussi. À 36 °C, mon cerveau fond, Princesse a bien tout lu les guides, mais je n’ai rien retenu, si ce n’est que les mariages défilent ce samedi en l’église de Metekhi, offrant aux regards flegmatiques un cortège de belles carrosseries. Oui, il y a un double sens scandaleux.



Nous prenons le pique-nique à l’ombre du parc Rike, un petit pain à la patate, des fruits, des yaourts et de l’ayran. Peu de file à la gondola, nous prenons 94 mètres de hauteur en 1’42 » pour atteindre la forteresse de Nakirala, fermée au public pour cause de travaux. Pas grave, nous avons appris à nous adapter et descendons par les escaliers et ruelles pentues après avoir salué Kartlis Deda, la mère de la Géorgie, dont la statue domine la capitale. La descente n’est pas longue mais elle est chaude, mon épouse analyse la situation avec justesse : »Nous allons de banc à l’ombre à banc à l’ombre ». Direction la maison de bain de souffre n°5 où nous réservons une salle privative offrant vestiaire, salon, deux douches, sauna, bain très froid et bain très chaud. Et aussi un banc en marbre pour se faire masser. Nous suivons ainsi deux cycles complets afin d’être à cuits à point : sauna, bain froid, bain chaud, bain froid et rebelotte. À la fin, la lumière clignote, nous devons libérer les lieux. Ça pue un peu le souffre mais nous en ressortons avec une peau de bébé.

3.08.2025
Nuit interrompue par des ploucs en FaceTime sur le palier. Ils ont eu l’honneur de faire ma connaissance en caleçon, mais pas de converser avec moi. Nous sommes ainsi encore moins matinaux que la veille, le métro compense donc le retard accumulé et nous conduit avenue Davit Aghmashenebeli, artère réputée de la capitale, qu’il fait bon de fouler à l’ombre, jusqu’au Musée d’histoire culturelle, abrité dans le Palais des arts, qui vaut bien le détour à lui seul. Construit en 1895 par l’architecte Paul Stern, connu dans le milieu à l’époque, sur commande de Constantine Oldenburg, un prince allemand épris d’une certaine Agraphina Japaridze en vue d’y roucouler en paix.



La belle, déjà mariée, entreprend une procédure de divorce et s’attire le courroux de l’église qui condamne formellement leur relation. D’aucuns y trouvent une explication romantique à la présence d’une chambre secrète dissimulée sous la toiture. Nous redescendons l’avenue au nom imprononçable et traversons la Koura, le plus long fleuve trans-caucasien avec ses 1.514 km tout mouillé. Pour monter au parc Mtatsminda, nous passons par des sentiers ardus à flanc de montagne qui nous mènent à 770 m d’altitude, nous avons ainsi dépassé le sommet de la Belgique. Les parents ne résistent pas au plaisir de voir les (grands) enfants dans le roller-coaster avant de redescendre la montagne via le pantheon de Mtatsminda.

Il fait tellement soif que j’achète carrément un bidon de 10 litres qui nous permet aussi d’alimenter nos gourdes, avant d’aller souper dans un petit restaurant familial du quartier. Ce soir, extinction des feux plus tôt, il s’agit de récupérer les deux heures de décalage et surtout, nous avons rendez-vous demain matin à 9h.
4.08.2025
Le réveil sonne à 7h21, c’est le branle-bas de combat, la douche, les sacs, la valise, les dents, mais pas tous dans le même ordre et nous voilà à l’ouverture du petit-déj. À 8h50, je prends possession d’une rutilante Ford Escape de 2012, pas flambant neuve, mais spacieuse et confortable, puis c’est parti mon kiki.

Le challenge sera de ne pas faire d’accident, je roule pépère pour nous extirper de la capitale jusqu’au lac artificiel de Zhinvali, créé par le barrage-poids éponyme. La halte suivante est remarquable, le château d’Ananuri, en témoignent les hordes de touristes venus découvrir cette forteresse du XVIème siècle, dotée de deux églises.



J’oubliais le plus important, nous sommes sur la E117, point d’autoroute à deux fois deux bandes mais une simple route cabossée, vous avez identifié la route militaire géorgienne, qui a pourtant été construite par les militaires russes, c’est contre-intuitif. Elle est réputée dangereuse en raison des travaux, éboulements, nids-de-poule, charrois des camions, virages en épingles, etc. J’y vais mollo, mais franchement, j’en ai vu d’autres. Nous avons donc modifié l’itinéraire prévisionnel, déjà las des visites d’églises et de monastères, de la chaleur et du tumulte de l’urbanisation, nous trouvons refuge dans les montagnes du Caucase, le grand air frais, la nature, les paysages. C’est là tout l’intérêt de n’avoir rien réservé à l’avance.

Nous atteignons Gudauri, station de montagne perchée à 2.200 m d’altitude, sans anicroche. Notre chambre est déjà prête, en fait de chambre, c’est un appartement dans une résidence pour les séjours au ski. Le village est en plein essor, la neige ayant fondu, les restes des chantiers ne sont plus dissimulé, bref, ce n’est pas la Suisse. Nous commençons par une petite mise en jambe de quelques kilomètres jusqu’au point de vue de la croix, puis Alexis repart en trail dans la montagne, je me contente de tours dans le bled, jusqu’à cumuler 10 KM, ce qui m’évitera la mésaventure de mon premier héritier, il s’est fait assaillir par quatre clebs surexcités, des molosses. Heureusement, il a bien réagi et n’a subi aucune morsure.
5.08.2025
Nuit calme, sans airco, du linge qui sèche partout dans le flat (il y a un lave-linge), et soleil radieux au réveil. Programme de la journée, road-trip jusqu’à la frontière russe, quelques randonnées et autres promenades. D’abord breakfast, allons-y voir. Nous ne sommes pas déçu, voilà un petit-déj qui s’en tire avec les honneurs, de quoi prendre des forces pour s’élancer à l’assaut de la route militaire géorgienne, vous avez reconnu la E117. Première halte, un monument panoramique circulaire dans le pur style soviétique, édifié en 1983, dont les fresques retracent l’histoire du pays.


Quelques kilomètres d’ascension plus loin, nous franchissons le col de la croix (Jvari) qui flirte avec les 2.400 m d’altitude. S’en suit une belle descente, des virages serrés complètement défoncés et des grosses berlines russes qui déboîtent face à un semi-remorque poussif. Nous remontons une file de 4 kilomètres de camion arrêtés plus ou moins sur le bas-côté, puis arrivons aussi loin que nous le pouvons, jusqu’à un petit kilomètre de la frontière russo-géorgienne, pour visiter l’élégant complexe monastique de Dariali, avant de rebrousser chemin.

La halte suivante est incontournable, il s’agit de l’église de la Sainte-Trinité, communément appelée église de Guerguéti, une petite route de montagne comme pour aller au ski y mène, le site est grandiose et l’église est en travaux. Dernier arrêt, sans panache, le long de la route, la source minérale en travertin, comme un vague air de Pamukkale, en plus ferrugineux. Nous n’avons finalement que peu marché, bonne raison pour taper encore un petit 12 KM à 2.200 m d’altitude, les tendons tirent mais le souffle n’est pas court.
6.08.2025
Cette fois, pas de pain perdu au breakfast, il y a des choux de Bruxelles à la place, comme l’impression qu’il y a un stuut ici. Une longue route nous attend, pas en distance, mais en temps de parcours, surtout pour rejoindre l’autostrade E60 (une vraie). Tandis que nous descendons la montagne pour rejoindre la plaine, le mercure monte et monte jusqu’à atteindre 37 °C. »Béni soit l’airco », sera l’analyse impartiale de ma tendre épouse. Point d’airco à Ouplistsikhé, ville troglodyte dont les premières traces d’habitation remontent à 3.000 ans avant JC. Développée au fil du temps, elle compta jusqu’à 20.000 âmes et fut considérée comme une forteresse à prendre. Gengis Khan et Tamerlan s’y essayèrent d’ailleurs. Les VW aussi, et sans violence de surcroît, il suffit de s’acquitter du droit d’entrée. Le site est vaste, en surplomb de la Koura, et a été occupé jusqu’au début du XXème siècle. Vu l’état des piaules, difficile à imaginer.


Nous faisons un autre détour avant d’aller à Gori, tout voyage n’est-il pas un long détour finalement, comme l’est la vie avant la mort. Vous l’aurez compris, ce détour vise une église, mais pas n’importe laquelle. Il s’agit de l’église Sioni d’Ateni, que la gardienne vient spécifiquement nous ouvrir. Ici le temps s’est arrêté, nous raconte le guide, pourtant le temps est visible sur les murs, dans ces fresques défraîchies, dans ces dix bougies que les kets viennent d’allumer, qui se consument inexorablement, comme le temps qui passe.

Il est déjà tard, notre logement n’est pas loin, un AirBnb très propre – et très calme – dans le centre-ville. Nous allons pouvoir manger un bon repas préparé par mon épouse. La température a baissé de quelques degrés, j’en profite pour courir le long du Mejuda, autour de la forteresse et dans le parc (Sylvester) Staline où la maison natale du personnage a été reconstruite, pierre par pierre.

7.08.2025
C’est en marchant ce matin que nous découvrons en famille la forteresse de Gori puis le parc Staline avant de prendre la route vers Kutaisi, troisième ville du pays, non sans faire le détour par le monastère Saint-Georges d’Oubissa, du IXème siècle, quelques moines y habitent encore, l’un d’eux nous indique le chemin vers les voies du seigneur, pourtant réputées impénétrables.



Nous poursuivons jusqu’à l’hôtel, une grande chambre familiale et un bassin de nage sur le toit. La série des monastères n’est pas terminée, le suivant est Motsameta, lieu des Martyrs, en raison des frères David et Konstantine ayant résisté avec bravoure aux envahisseurs Sarrasins au VIIIème siècle. Le site est majestueusement posé sur un affleurement rocheux, dominant le canyon creusé par la rivière Tskaltsitela. Magnifique. Les grappes de touristes qui défilent ne grèvent pas la sérénité des lieux, ni même les fils de mon épouse, ils semblent avoir mangé du clown.

A propos de manger, ce soir c’est festin dans un resto branché, heureusement que nous y sommes arrivés tôt, il y a même un concert polyphonique de chants géorgiens, impressionnant.
8.08.2025
Le réveille-matin fait son office, la journée sera longue et commence mal : ils ont mis le buffet du midi à la place du petit-déj, heureusement que nous avons du stock de chocopasta, j’en ai acheté deux parce que j’avais oublié que j’en avais déjà mis un dans le panier. Évidemment, c’est de la faute de Catherine, elle aurait dû se rendre compte que le panier était trop lourd. Bref, ça fait le bonheur des kets. Aujourd’hui, c’est l’appel de la nature, grotte de Prometheus puis canyon d’Okatse.
Nous commençons donc par la grotte de Prométhée, alors qu’elle n’a été (re)découverte qu’en 1983. C’est plutôt un coup de génie commercial que d’associer celui qui déroba le feu de l’Olympe et ce site naturel. En fait, Prométhée fut attaché à un rocher d’une montagne des environs, d’où le lien. Et j’aperçois même un aigle planer dans les cieux. Pour nous, c’est la descente dans les entrailles de la terre, pour un parcours de 1.500 mètres et quelques 900 marches. La visite a du succès, c’est fascinant de voir à quel point l’Homme reste attaché à l’ère des cavernes. Smartphone en plus, mais sans réseau, faut pas pousser.


S’en suit une route de montagne qui tournicote, et par endroits même sans route, nous parvenons au canyon d’Okatse. Sujets au vertige s’abstenir, la passerelle est fixée à flanc de falaise sur un vide d’au moins cent mètres. C’est magnifique mais v’là t’y pas que le ciel se couvre et que le tonnerre se met à gronder, il reste un bon 2 KM pour retourner à la voiture, la pluie est trop forte, abrité sous une arbre, les gouttes nous tombent dessus.




Mouillés pour mouillés, autant avancer. Autre surprise, le tableau de bord est trempé aussi, j’envoie une vidéo au loueur qui me recommande d’ouvrir et refermer le toit ouvrant qui était bien fermé, pas folle la guêpe. La route du retour est longue, glissante et humide, le soleil brille à notre arrivée à Kutaisi. Vu le trafic et la courtoisie, les options running ne sont pas légion, j’enchaîne les tours du Central Park, puis nous retournons au même resto qu’hier, les troubadours y mettent encore une ambiance de feu.
9.08.2025.
Bonne petite journée comme nous les adorons en voyage, rien ne s’est passé comme prévu, heureusement que nous avons appris à rebondir. Passons sur les orages de la nuit, le petit-déj soviétique et le bain de pieds dans la voiture, côté Princesse, la pente était on ne peut mieux réglée. Après, rien de spécial, l’autoroute qui s’arrête au milieu de nulle part, quelques Russes qui dépassent alors que nous sommes pare-chocs contre pare-chocs, je reste stoïque. Bon j’avoue, d’abord un juron puis le stoïcisme. Je ne m’étonne même pas d’observer les policiers réguler l’embouteillage. Ils font signe d’accélérer devant le panneau »Slow down », c’est de l’humour belge. L’autoroute reprend pour à nouveau s’arrêter à un autre milieu de nulle part. Puis l’arrivée à Batoumi un samedi midi. Alors Batoumi, c’est la deuxième ville du pays, et première cité balnéaire, au bord de la Mer Noire. C’est la Costa Del Sol, avec les tarifs de Knokke-Heist et les touristes de Sotchi. Bon, j’ai réussi à parquer l’amphibie, parking sous-terrain, pas glorieux. Reste plus qu’à trouver notre apart-hotel dans l’une des tours (Urbi et) Orbi, complexe immobilier de plusieurs tours (4, 5, 6 ?). Nous obtenons la clé après une heure de recherches et de discussions sur WhatsApp, le flat est bien mais la vue est moche de chez moche, le lit des kets n’est pas prêt, nous prenons ce prétexte pour se barrer.


Entre-temps, il est bien 15h, Madame est énervée, les garçons sont affamés et moi, j’en ai marre de conduire à la géorgienne (des habitudes à perdre en Belgique). Et accessoirement nous n’avons pas de point de chute pour la nuit. Procédons par étapes : annuler, s’extirper, réserver, trouver. Dans l’excitation, Catherine s’est trompée de dates, le nouvel hôtel affiche complet. Tant mieux, c’est moche. Je change de priorité, vu que moi aussi j’ai la dalle. Pendant que nous mangeons, déjà 17h, nous trouvons un autre hôtel, vue sur la Mer Noire accessible à pieds, bingo. Enfin, nous allons à la plage avec la ferme intention de se baigner, je mets mes pieds nus dans le sable, c’est dire. Impossible, trop dangereux, personne dans l’eau, le courant de ressac est trop fort, nous nous contenterons d’y mouiller les pieds.


10.08.2025
Nuit correcte, à peine interrompue par les chiens qui aboient sans que la caravane ne passe. Le petit-déj est correct, nos hôtes sont aux petits soins, il y a des spécialités locales et même du cake au pommes. Nous n’allons pas bien loin, j’ai une revanche à prendre sur la Mer Noire. D’abord la forteresse de Petra, cela ne vaut pas celle de Jordanie (oui, je me la ramène, et alors) surtout sous la pluie.

Catherine a réservé un autre hôtel, plus proche d’une plage praticable : il y a des douches, des cabines et même des sauveteurs habillés comme dans Alerte à Malibu, sauf que Mitch a bien morflé et que C.J. a disparu. Nous attendons la fin d’après-midi, la plage est évidemment noire de monde, le courant de retour est toujours aussi fort, et les galets viennent taper les chevilles, un sacré massage. J’arrive à nager sans boire la tasse, c’est peu recommandé compte tenu de la pollution de cette mer qui porte bien son nom. Nous sommes étonnés de la force des vagues.


En fine observatrice, mon épouse déclarera : »La piscine à vague d’Aqualibi à côté de ça, c’est de la gnognotte ». Devant une telle référence, je ne peux que m’incliner. Nous enchaînons avec piscine (sans vague, à l’hôtel) puis apéro et resto fréquenté par des locaux. Nous resterions volontiers une nuit de plus, mais l’hôtel affiche complet demain, nous aviserons.
11.08.2025
Un coq. Il suffit d’un coq. Même pas Le Coq. Soit, il y avait des pancakes au petit-déj, cela compense tout. L’hôtel est toujours aussi complet, nous levons le camp vers 11h, il n’y a que 232 KM de route. Ah, ah, ah, ce n’est pas de la route comme nous l’entendons par chez nous. Prenez la E42, ou l’avenue du Port, par exemples. Ce sont des billards. En fait, tout va bien (c’est à dire pas pire que d’hab’) jusqu’au barrage-voûte d’Enguri. Avec ses 272 mètres, c’est le septième plus haut du monde, sa construction s’est étalée sur 26 ans et sa centrale hydroélectrique compte une puissance installée de 1.375 MW. Impressionnant.


Tout comme la route qui suit. 100 KM de route de malade, des éboulis, des éboulements, des roches, des cailloux, des travaux, des ‘y a plus de route, des accidents, des pneus crevés, des vaches, des chevaux, des cochons, des clebs, des »Attention Nicolas ça tourne fort ». Bref, il faut une vigilance permanente, pas le droit à une fraction de seconde de distraction. Et en plus, elle est serpente dans un paysage magnifique, splendide, majestueux. Nous sommes scotchés. Arrivant sur le coup de 18h à Mestia, là où la route s’arrête pour nous vu que l’assurance de la voiture de location ne nous couvre pas plus loin, il nous faut trouver rapidos un hébergement, c’est chose faite, nous voilà installés dans une guesthouse familiale, la vue est top, le chien du voisin aussi, il aboie à la moindre mouche qui pète.
12.08.2025
Nuit calme dès que les chiens l’ont mise en veilleuse. Soleil radieux, vue magnifique, une belle journée s’annonce. Le programme, une randonnée de mise en jambe, un aller-retour jusqu’au glacier Chalaadi, c’est en pente douce, sauf les deux derniers kilomètres, dont les cinq cent derniers mètres sur la moraine dont les gros cailloux requièrent une attention particulière. Nous parvenons ainsi au front du glacier qui descend à 1.900 mètres d’altitude, c’est relativement bas.



Nous y prenons le casse-croûte, notre soda (oui, c’est permis durant les vacances) refroidit dans le torrent qui jaillit sous le glacier, d’ailleurs le torrent refroidit tout, on commence à se les geler, la descente nous réchauffera. Nous terminons la rando par une entrée triomphale à Mestia dont les tours svanes, hautes jusqu’à 25 mètres ont perdu leur vocation défensive. Bilan, plus ou moins 25 à 28 kilomètres selon les sources (Garmin, Coros, Fitbit, Osmand, Komoot). Princesse est au bout de sa life, Valentin ne pense qu’à s’allonger, Alexis hésite à courir un peu, moi je n’hésite pas. Les pieds font mal, les tendons tirent, pas grave, le décor en vaut la peine. Puis surtout, j’échappe à la corvée des lessives, deux machines y passeront. Au final, avec la sortie resto, Garmin affiche 43.635 pas pour la journée, j’ai gagné un badge. Par contre, je crânerai moins demain, Alexis nous a concocté un autre challenge.

13.08.2025
Évidemment, Alexis a le nez fin, il sait qu’il ne faut surtout pas parler de challenge à sa Maman et à son frangin. Il vend donc une randonnée plus courte qu’hier, avec un peu plus de D+, surtout au début puis cela se calme. Et pour appâter son géniteur, il vend un sommet facile d’accès à 3.000 m, considérant que nous aurions lâché deux membres de l’équipe, devinez lesquels.
C’est donc la fleur au bout du fusil que nous suivons le Grand jusqu’au milieu du village. Puis, nous rentrons dans le dur, comme ça, sans préavis. D’habitude, les chemins de montagne suivent de beaux zigzags. Eh bien pas ici. Ça monte. Point. 30 % de D+ dans les dents, les deux premiers kilomètres, dans les sous-bois, sans le moindre point de vue. Au moins, il y a de l’ombre. Évidemment, il ne faut pas longtemps pour que Madame peste. La suite (la deuxième partie donc, prétendument plus calme) n’est pas en reste, l’ombre en moins, et les Mitsubishi Delica édition Chamonix en plus (ça passe partout ces trucs-là). Bref 1.400 mètres de D+ plus haut, nous arrivons aux fameux Korulda lakes. Verdict, implacable, de la Reine-Mère : »Tout ça pour une mare aux canards ». C’est vrai qu’ils ne se distinguent pas par leur taille, ces lacs. Mais ils sont perchés à 2.700 m d’altitude, et offrent un panorama magnifique. La pause casse-croûte terminée, les deux bêtes sont lâchées, il n’y a que 600 m à monter. Mes amis. Pendant que j’écris ces lignes, tard le soir sur mon smartphone tandis que Valentin ronfle – ah non, c’est sa mère – je sens mon cœur battre dans mes tendons. Le début est easy game, il n’y a qu’à suivre la piste. Mais le point de vue se mérite, les deux cent derniers mètres sont épiques, franchement je n’en mène pas large.




La pente est si forte et les graviers, les roches acérées, si instables que la gravité nous fait gagner âprement chaque mètre, jusqu’à atteindre 3.316 m d’altitude pour le point de vue. Et quelle vue. Le glacier Chalaadi que nous voyions d’en bas hier, nous le voyons d’en haut à présent. Ça décoiffe. Ça caille aussi, il fait quelques degrés de moins tout là-haut, nous prenons une longue pause, père et fils, mais il faut bien redescendre sur terre. Mes genoux s’en souviendront longtemps, réfléchissez à deux fois avant de prendre un raccourci.
14.08.2025
Déjà deux jours que la voiture prend la poussière, je sais ce qui nous attend : la même route qu’à l’aller. Cette fois, je mets ma Playlist et je lance le tank à l’assaut du bitume, du moins ce qu’il en reste. Je sens que je commence à trouver un bon tempo quand je me mets à dépasser les marshrutkas et que je désactive la fonction HDC, mais ce n’est pas du goût de ma légitime qui accueille cette double prouesse avec circonspection, »Tu roules comme un pété » sera son seul commentaire, je le prends comme un compliment.

Même à fond de balle, il faut quasi trois heures pour parcourir les 136 KM de Mestia jusqu’au Palais Dadiani de Zougdidi. C’est la pause idéale, ce palais est le dernier de la famille du même nom qui régna des siècles durant, il abrite une belle collection de vieilleries et de tableaux, ne manquez pas la série de paysages d’Adalbert Waagen si vous y allez. Par contre, grosse déception, le suaire de la Vierge Marie (la nuisette de la mère du petit Jésus) n’est plus exposé, l’original semble être dans une petite église de la ville. Louche, cette affaire.


Il y a également un beau parc avec des bancs ombragés, cela fera l’affaire du pique-nique. Puis, la journée n’est pas finie. Il faudra la même durée (trois heures, faut suivre) pour arriver à Borjomi, 222 KM plus loin. Booking réserve (appréciez le jeu de mots) de sacrées surprises, notre hébergement introuvable (l’hôte parle aussi bien l’anglais que Catherine le russe) est sis dans un horrible immeuble resté à l’ère soviétique. Au moins, c’est spacieux même si les lits sont riquiquis et ça change des B&B classiques, en mode »vis ma vie chez les Bolcheviques ». Borjomi est une ville thermale ( »Un peu le Vichy d’ici », commentera mon épouse) où il règne une ambiance agréable de vacances. Nous nous promenons dans le parc central où se trouvent les sources. Les badauds viennent remplir leurs gourdes de cette eau aux vertus thérapeutiques, pour qui parvient à l’ingérer. Nous pas.


15.08.2025
Il n’y a que deux heures de route ce matin, principalement sur la E60 de surcroît, je peux caler le cruise control sur 93 km/h jusqu’au monastère de Jvari. Encore un monastère, me diriez-vous. Oui, mais celui-ci est exceptionnel. D’ailleurs, il a reçu son label Unesco, c’est dire. Construit au VI ème siècle cet édifice symbolise la conversion du roi Mirian III à la chrétienté deux siècles auparavant (ils ont pris leur temps), délaissant le paganisme pour le culte de la Croix (Jvari), celle-ci ayant accompli des miracles.


Puis nous prenons nos quartiers dans un hôtel confortable de Mtskheta (c’est bien le nom du bled et promis, je n’ai omis aucune voyelle), pour poursuivre notre pèlerinage en la cathédrale de Svétitskhovéli, un nom compliqué qui se traduit littéralement par »Pilier qui donne la vie ». Mais pourquoi donc, me demanderez-vous. C’est à cause d’une histoire à dormir debout de Sainte Nino, celle qui a converti Mirian III, qui a réussi en priant toute une nuit, à ramener sur terre le septième pilier en bois de cèdre du Liban, le fameux cèdre ayant poussé sur la tombe de Sidonie, la sœur d’Élias, un pey qui avait racheté à un soldat romain la véritable tunique du Christ pour la donner à sa frangine qui en mourut d’émotion (tu parles d’un cadeau) et qui fut enterrée avec ladite chemisette. Jamais deux sans trois, nous enchaînons avec le monastère de Samtavro, qui abrite le couvent de Sainte-Nino, encore elle, toujours en activité de nos jours (le couvent, pas la Sainte, quoi que). Après tout ça, moi je vais courir un petit 8 KM le long de la grand-route, en veillant à ne pas me faire surprendre par des canidés errants, Sainte-Nino veille sur moi.





16.08.2025
Il n’y a que 150 KM à rouler, comptez 2h30 si tout va bien, ce qui est notre cas, vu que j’ai évité le frontal avec un gros camion, j’aurais dû me fier à cette ligne blanche continue. Journée spéciale aujourd’hui, logement spécial : un beau chalet qui sent le sapin dans un petit vignoble familial. Le jus de raisin y est stocké dans de grandes jarres enfouies dans le sol, selon la méthode traditionnelle. Après la fermentation, le jus est transféré dans des cuves classiques en inox puis mis en bouteille.

Je dénombre 12 jarres de 1000 litres chacune, notre hôte nous fait goûter le jus, un peu liquoreux au nez mais très minéral au palais, c’est le fameux cépage Kisi, en version Qveri vu que fermenté en jarre. Le domaine offre une belle piscine, j’enchaîne quelques longueurs malgré le temps couvert (mouillé pour mouillé), puis nous allons à la ville, Kvareli, pour un souper dans un bon resto, il y a un annif à fêter.

17.08.2025
Nos hôtes nous avaient indiqué que le petit-déj serait servi à 10h, pas trop matinaux par ici, cela me laisse le temps pour quelques longueurs de piscine, puis nous flânons un peu sur la balancelle en terminant le café.

Il est temps d’élever notre esprit, d’ailleurs ça grimpe sec pendant 1.450 m (250 de D+), je n’avais pas les nerfs d’attendre le bus, qui finira par nous dépasser alors que nous touchons au but : le monastère de Nekressi. Peu mentionné dans les guides, le site n’en est pas moins grandiose, nous apercevons au loin notre hôtel dans la plaine de l’Alazani. Édifié dès le IVème siècle par le roi Mirian III, encore lui, le monastère est toujours en activité.



Il possède également ces fameuses jarres enfouies dans la terre, mais elles sont complètement vides. Raison pour laquelle nous optons pour la visite guidée de la Corporation Kindzmarauli. En fait, leurs jarres sont également vides, logique les vendanges sont pour bientôt. Nous commençons par la dégustation, il y a un petit seau pour recracher, le nôtre restera vide. Cinq vins y passent, notre préférence va pour ceux qui sont secs et fermentés en jarre (Qveri).

S’en suit une route sinueuse jusqu’à Sighnaghi, la perle de Kakhétie, perchée à 800 mètres d’altitude, elle domine la même vallée (vaste) d’Alazani, et reste dotée d’une muraille tout à fait franchissable.

18.08.2025
Journée relax, comme un air de vacances, qui commence par le petit-déj sur la terrasse avec vue. Tranquille Émile, il est déjà passé 11h (à peine 9h à Bruxelles finalement) quand nous cheminons vers le monastère de Bodbe, où nous arrivons en même temps que 4 bus remplis. Difficile de distinguer le vieux de l’ancien (sauf pour certains touristes), c’est surtout le cadre et les jardins qui sont magnifiques. Associé à Sainte-Nino (la Sainte qui avait converti le roi Mirian III), le complexe abrite aujourd’hui un couvent, ce qui explique que le jardin soit si bien entretenu et fleuri, n’est-ce pas.


Nous déambulons ensuite dans la cité de Sighnaghi, le long des remparts et jusqu’au bout du cimetière où il règne une atmosphère sereine, zéro touriste. Nous retournons souper au même resto qu’hier soir, c’était bon et personne n’a été malade. Cette fois nous commandons un florilège de

, ces gros raviolis fourrés, systématiquement les mêmes trois sortes : viande, champignons et fromage. Ça nourrit son homme. Attablés autour de nous, les habitués qui enchaînent les carafes de chacha, l’alcool local. Nous nous contentons de limonade tarragon, un soda sucré à l’extrait d’estragon.
19.08.2025
Le voyage touche à sa fin, nous parvenons à la dernière étape, Telavi, réputée pour être une des plus belles villes du pays, allons-y voir. Mais avant cela, nous ne manquons pas la visite de la Maison-musée d’Alexandre Chavshavadze à Tsinandali. Il s’agit tout simplement d’un magnifique domaine construit par militaire un peu poète. Sa descendance fit union avec la famille Dadiani dont nous avions visité le Palais à Zougdidi.


Nous échouons dans une suite executive de l’hôtel qui fait face à l’imposante statue du roi Erekle II ainsi qu’au palais du bien nommé. Par contre, personne n’a envie d’aller visiter : avec deux piscines, des transats, un sauna, une salle de jeux (PS5) et une salle de fitness, toute la famille a de quoi s’occuper, je vous laisse deviner qui fait quoi. Le voyage, c’est aussi les vacances.

20.08.2025
Mis à part le Petit qui a bougé trop tôt ce matin, nuit correcte. Quelques longueurs avant le petit-déj m’autorisent deux crêpes et deux croissants supplémentaires. Quelques cafés aussi, une machine de compète qui change de l’instantané. La patronne n’est pas en forme, je m’occupe des kets en commençant par les ratiboiser au tennis de table. Puis, il faut bien les sortir un peu, nous déambulons jusqu’au marché couvert, comme ça pour le plaisir des yeux et des narines.


Après, le niveau monte, visite du palais du roi Erekle II, aux influences persanes, où il aimait se prélasser entre deux guerres, la légende veut qu’il en ait gagné près de 500. Dans l’arbre généalogique, je retrouve une fois de plus la famille Dadiani. Bonjour la consanguinité. Catherine est toujours en train de comater, les mecs font de l’exercice : Valentin version e-sport, Alexis sur un vélo et moi sur le tapis roulant, à fond de balle. Puis piscine et sauna, avant de récupérer Princesse qui émerge à temps pour le souper.


21.08.2025
Petite journée, dernière excursion, direction le Monastère d’Alaverdi, qui se trouve être en travaux de restauration, certi d’un splendide échafaudage, qui couvre les 55 mètres de hauteur de la coupole. Notre short est trop court (notez, c’est sa définition), nous sommes sommés d’enfiler un futal pour pénétrer l’église à l’intérieur de laquelle les photographies sont prohibées. Au retour, la bagnole passe au car-wash, vu qu’il faudra la restituer propre et nette à l’aéroport demain. Ensuite, programme relax, ping-pong, salle de fitness, natation, sauna, resto.

22.08.2025
Déjà la dernière journée, c’est la fin des haricots, d’ailleurs il n’y a plus de crêpes au petit-déj, nous nous rabattons sur les muffins. Comme un vendredi, l’hôtel se remplit de bimbos. Fine observatrice (je n’avais rien remarqué), mon épouse observe qu’elles n’auraient jamais passé le contrôle strict du Monastère d’Alaverdi sans se faire remballer (au sens propre). Je sais que la journée sera longue, j’enchaîne encore un run et un swim avant de lever le camp. Belle route de montagne jusqu’à l’aéroport de Tbilissi, avec le col de Gombori à 1.620 m. Nous dépensons nos derniers laris et je remets la clé du Ford sur le parking de l’aéroport, il nous aura mené sans anicroche tout au long de 2.102 km, sur les routes de ce pays fascinant de 70.000 KM² pour 4 millions d’habitants.
