Du Paso Cardenal Antonio Samore au Paso Jeinimeni (du 9.11.2015 au 11.12.2015 – 1.133 km – 45.986 km cumulés)

9 novembre 2015.
C’est par le Paso Cardenal Antonio Samore que nous faisons notre deuxième entrée au Chili avec le motorhome. Le poste frontière est situé 22 kilomètres après le col qui marque le passage sur le territoire chilien. Les formalités sont vite réglées, c’est un agréable jeu d’enfant à côté des passages de frontières en Amérique Centrale. La fouille du véhicule est tout de même sérieuse, mais comme le frigo a triste mine, le douanier comprend qu’on a bien anticipé et nous laisse filer sans problème. La route 215CH prend le relais et reste en très bon état comme la RN231 argentine, c’est à souligner vu que rares sont les passages frontaliers intégralement asphaltés entre les deux pays qui mine de rien, comptabilisent 5.150 kilomètres de frontière commune. Nous arrivons au camping en bordure de lac où nous attendent les Daniel, ça fait plus de trois mois qu’on les a vu, que d’histoires de baroudeurs à se raconter !

Avec les DD.
Avec les DD.

Nous passons ainsi l’après-midi à échanger nos expériences et la soirée clôt en beauté cette belle journée avec une bonne bouteille que Daniel sort de sa cave. Entre deux histoires, je répare la fermeture de la trappe d’accès à la cassette du WC qui pose problème depuis le début du voyage. Daniel reconnaît en ma boite à outil tout l’attirail du parfait artisan, et d’ailleurs j’usine à merveille une arrête qui permettra à la gâche de correctement fermer la trappe d’accès. Le camping est magnifique, il n’y a pas le wifi, mais nous recevons la clé de sanitaires privatifs et les kets jouent sur la petite plage devant le lac Puyehue.

10 novembre 2015.
Nous discutons encore ce matin avec nos amis, mais nos routes se séparent déjà. Les DD vont profiter du beau temps et les VW vont à Osorno, la petite ville la plus proche. Il s’agit pour nous de remplir la bouteille de gaz (GPS : -40.576458, -73.09858), de remplir le frigo et de trouver un garage. Depuis quelques centaines de kilomètres (oui, oui, on compte en distance), le train avant fait des bruits bizarres, style « tac-tac », « bolom-bolom » et « hinc-hinc ». Appréciez, comme le mécanicien, la qualité de mes explications techniques. Je soupçonne surtout l’amortisseur droit de s’être suicidé en se vidant de son huile. Après analyse, le mécano estime que ça ne va pas du tout. D’ailleurs il ne rigole même pas quand je lui demande si ça peut encore tenir sur la Carretera Austral. Pour ceux qui ne connaissent pas encore cette route aussi légendaire que la Ruta 40 en Argentine et la fameuse E42 en Wallonie, c’est le moment d’aller voir sur Google. Évidemment, il n’a pas les pièces et me dirige vers le garage Iveco le plus proche, à Puerto Montt, une bonne centaine de kilomètres plus loin, où nous arrivons à la tombée de la nuit. Bref, bivouac romantique devant le garage le long de la Ruta 5.

Pas top.
Pas top.

11 novembre 2015.
Une nuit pourrie suivie d’une journée qui l’est tout autant. Le pey de chez Iveco me confirme qu’il y a un gros stûût, mais ils n’ont pas les pièces en stock au Chili, il me parle de « silent block », de « rotules » et d’autres brols dont je n’ai jamais entendu parler, mais étonnamment pas de mon « amortiguador ». De toute façon, il n’y a pas de place pour nous avant mardi. Fantastique, on est mercredi, quelques jours de glande au programme. A tout hasard, il m’envoie dans un atelier où, peut-être, les pièces sur mesure pourraient être usinées, mais reste encore à savoir quelles pièces, il n’est pas sûr. Le dit atelier, dans lequel j’hésite à engager le CC tant il y a des clous au sol parmi les cailloux, ne peut pas s’occuper de nous aujourd’hui, il faudra revenir demain. La ville de Puerto Montt n’est pas des plus accueillantes, mais on en fait le tour en CC, en écumant les magasins de pièces de rechange. Finalement, dans le dernier, il y a un amortisseur (mais de un je ne sais toujours pas si c’est bien ça le problème, de deux il est à Osorno, et de trois il en faudrait une paire). Le gérant me recommande un mécano à un cuadra (pâté de maison) de là pour démonter ce qui doit l’être afin de poser – enfin – un diagnostic. Évidemment, le mécano me demande de revenir demain. Nous voilà donc installés à la Copec du coin, un peu désabusés, je le concède. Heureusement, on a fait les courses hier et le cellier est bien garni. En plus, les kets sont adorables. Je me promène au Lider avec Valentin, puis dans un magasin de bateau avec Alexis. On termine la journée à la plaine de jeux de la Petrobras qui en plus offre un meilleur wifi que celui de la Copec, c’est vraiment tof.

12 novembre 2015.
On arrive à l’ouverture du garage, et là nous tombons enfin sur un mécanicien (Pedro) qui sait ce qu’il y a à faire et surtout qui sait ce qu’il fait. Au moins, quelqu’un sait ce qu’il se passe. Moi, je regarde et je prends des photos. En quelques minutes, le diagnostic est posé et la pièce défaillante est démasquée. L’amortisseur avant droit s’est vidé de son huile et n’offre plus aucune résistance, il est sketté de chez sketté. Ça craint mais ça flatte mon orgueil : j’avais vu juste. Pedro m’accompagne alors dans la tournée des revendeurs de pièces détachées, qui me reconnaissent d’hier pour la plupart, mais j’ai la pièce défaillante comme modèle cette fois. Même chez Señor Amortiguador, on ne trouve pas. Seule la dernière boutique sera la bonne, chez Sergo où j’avais déjà reçu un devis pour une pièce. Oui, on aurait dû commencer là, mais il ouvrait plus tard. Entre-temps, il a trouvé une belle paire, mais il faut l’attendre deux jours. Pas grave, on a appris à s’adapter, et on déplace la bête (le camion bien sûr) jusqu’au bord du lac Llanquihue, à Puerto Varas. Arrivent peu après les allemands Claudia und Thomas, mais c’est incroyable ce que le monde est petit n’est-ce pas Madame. On ne les avait plus vus depuis Arequipa et on discute longuement dans le CC, avant qu’ils partent retrouver les DD à Frutillar. L’après-midi, c’est sortie en famille à la découverte de la petite ville, qui a connu un important essor pendant la deuxième moitié du XIXème siècle avec une importante colonie originaire d’Allemagne. L’Iglesia Sagrado Corazón de Jesús est d’ailleurs librement inspirée d’une célèbre église du fin fond de la Forêt Noire. Un parcours « patrimoine » permet également de découvrir les plus beaux édifices de la cité, sachez-le.

Notre Père qui êtes ...
Notre Père qui êtes …

 

Iglesia.
Iglesia.

13 novembre 2015.
Il fait frisquet ce matin, mais rien qu’en chauffant l’eau du café et en allumant des bougies, la température remonte de quelques degrés Fahrenheit. « Into The Wild » je vous dis. Après un classique « saucisses-compote-purée » bien de chez nous, je m’exile à l’office du tourisme qui est non seulement chauffé, mais encore doté d’un bon wifi (au coin des rues San José et Santa Rosa, code : informatur) et je travaille sur le site, pendant que Catherine prépare une soupe au potiron.

VW et DD on the way !
VW et DD on the way !

De retour au CC, quelle bonne surprise de voir le camion des DD garé devant le nôtre (à deux, on occupe bien huit places de stationnement, mais la Police qui passe et repasse nous fait juste un petit signe amical) et nous prenons un apéro très agréable dans le CC, avant d’être mis à la porte par Alexis qui estime qu’on fait trop de bruit.

14 novembre 2015.
C’est le cœur léger que nous arrivons au garage à la première heure ce matin. Pedro a déjà récupéré les amortisseurs et s’affaire immédiatement sur le véhicule. Pendant ce temps, on se connecte sur le réseau wifi du garage et on découvre avec horreur et effroi les événements de la veille au cœur de la Ville-Lumière. Nous sommes consternés, mais l’innocence des kets nous force à aller de l’avant.

Le temps des cerises, et de l'innocence.
Le temps des cerises, et de l’innocence.

 

Coupable !
Coupable !

 

Vas-y Pedro, vas-y !
Vas-y Pedro, vas-y !

Pedro fait du bon boulot, il ne trouve rien d’autre d’anormal, si ce n’est la fuite au circuit de direction pour laquelle nous avons aussi rendez-vous chez Iveco mardi. Nous quittons le garage en moins d’une heure et retournons simplement au bord du lac à Puerto Varas. Indépendamment de l’actualité, nous répondons à l’appel d’une école française, relayé par un réseau social, qui demande d’envoyer des cartes postales de par le monde à des fins didactiques, les kets sont très motivés. Alexis m’accompagne jusqu’au Museo Pablo Fierro, un véritable artiste qui ouvre au public sa maison dédiée à l’art et aux rêves.

Pour les petits écoliers.
Pour les petits écoliers.

 

Museo Pablo Fierro.
Museo Pablo Fierro.

Je discute longuement avec l’artiste, imaginez le choc des cultures, tandis qu’Alexis réalise un beau dessin à son attention. Le ciel reste couvert et ne dévoile que partiellement les deux volcans qui dominent le lac : l’Osorno (2.652 m) et le Cabulco (2.003 m). Nous restons donc dans la petite ville, d’autant plus qu’un spectacle de clown se produit en fin de journée. Nous nous mêlons ainsi avec les locaux et les kets rient à gorge déployée. Je participe même au spectacle quand le clown fera mine de ne pas arriver à passer au-dessus de la barrière devant la scène. Sans me démonter le dos, je le porte à bout de bras et le dépose par-dessus la barrière, devant la foule en délire, et faisant de moi le héros de mes fils, Spiderman gardant toutefois son titre de super-héros.

Bravo, bravo !
Bravo, bravo !

15 novembre 2015.
Rien de spécial aujourd’hui, nous mettons le site à jour, nous nous promenons en ville entre deux ondées et mangeons des monstres couques avec les kets pour se remonter le moral.

C'est de la couque !
C’est de la couque !

16 novembre 2015.
Journée pluvieuse et humide. Entre deux averses, nous recevons la visite de Claudia und Thomas, ils vont s’élancer sur la Carretera Austral avec leur T5 et nous enverrons des nouvelles fraîches sur l’état de la route, qui est de la piste, souvent en travaux, sur de longs tronçons, raison pour laquelle nous hésitons à la parcourir, surtout que Catherine est tentée par le détour sur l’île de Chiloe.

Puerto Varas.
Puerto Varas.

 

Puerto Varas.
Puerto Varas.

En fin d’après-midi, nous allons ensemble au Museo Pablo Fierro, dont Alexis a tant vanté les mérites à Valentin. On se fait bien rincer au retour, alors on passe au centre commercial pour sécher les vêtements au sèche-mains des sanitaires et attendre que ça se calme.

17 novembre 2015.
On a rendez-vous ce matin chez Iveco pour arranger une petite fuite au circuit de direction, mais j’ai de moins en moins confiance en ce garage (Sigdotek). Sur le chemin, on s’arrête chez Millarsport, un garage recommandé par d’autres voyageurs sur ioverlander (site et application pour voyageurs motorisés aux quatre coins du monde). On a bien fait, c’est le genre de garage où on ne sait pas qui est le patron, où la seule présence féminine est rappelée par un beau poster au mur (et, dans un autre registre, par mon épouse qui prépare mes tartines) et d’où on ne sort pas sans réponse à ses problèmes. En dix minutes, la fuite est réparée, les niveaux sont faits, le sourire en prime. Plus rien donc ne nous retient à Puerto Montt.
J’envoie un message chez Iveco puis nous filons sur la Ruta 5 jusqu’à Pargua d’où partent les ferries pour Chacao, sur l’île de Chiloe. Les barges font des va et vient incessants, et en moins de trente minutes, nous voici déjà sur la grande île de l’archipel chilote. Longue de deux cent kilomètres et large de cinquante, elle est restée longtemps isolée du reste du Chili, au même titre que la région desservie par la Ruta 7 (Carretera Austral), et tient de ce fait une une place particulière dans la littérature qui a alimenté l’imagination de mon épouse, raison pour laquelle nous nous trouvons pour quelques jours sur cette île qui a pourtant la réputation de connaître huit jours de pluie par semaine. Nous roulons jusqu’à Ancud, petite ville au Nord de l’île, et si, effectivement, nous essuyions de belles averses, nous avons aussi droit à quelques rayons de soleil. Apparemment, toute sortie va de pair avec le risque d’être mouillé, c’est un bien faible risque et de toute façon, Spiderman protège les kets.

Sous le soleil exactement.
Sous le soleil exactement.

 

Et sous la pluie évidemment.
Et sous la pluie évidemment.

Nous établissons notre repère dans la Calle Las Heras, une strotje à quelques cuadras de la Plaza de Armas, et allons découvrir la Fondation des Amis des Églises de Chiloe. C’est que l’île est réputée pour ses églises en bois, certaines sont inscrites au patrimoine mondial de l’humanité et d’autres en tant que patrimoine national. Indépendamment de ces labels, ces églises font partie de la culture de l’île, avec leur bardage en bois d’alerce et de cyprès. La plupart sont centenaires et certaines même bicentenaires. Le Musée présente les différents assemblages en bois de la structure portante, de même que les pathologies auxquelles peuvent être sujette les différentes essences de bois utilisées. Ça passionne les kets. La météo est clémente : seulement six averses dans l’après-midi, entrecoupées de beaux rayons de soleil.

C'est écrit.
C’est écrit.

 

Drôles de bêtes !
Drôles de bêtes !

 

Hors du temps.
Hors du temps.

 

Ancud.
Ancud.

18 novembre 2015.
Nuit calme et réveil ensoleillé. Aujourd’hui, c’est moi qui suis de corvée pour le linge (un couple moderne, je vous dis). J’apporte donc quinze kilogrammes de linge à la lavanderia renseignée par l’office du tourisme. Il sera prêt ce soir, lavé-séché-plié. Et voilà le travail. Il ne restera plus qu’à mon épouse de le ranger, chacun sa part du boulot, sacrebleu.

Nico laundry service.
Nico laundry service.

En attendant, on visite. D’abord, le petit musée des pompiers de la ville, avec des belles machines et les portraits des anciens officiers moustachus en tenue d’apparat. Ensuite, le carnaval sur la Plaza de Armas, qui voit défiler les petits écoliers auxquels les kets se finissent par se mêler, surtout quand Mickey et le Minion débarquent.

Pin-pon-pin-pon.
Pin-pon-pin-pon.

 

Viens chez moi, j'habite dans un CC.
Viens chez moi, j’habite dans un CC.

 

Cyclope.
Cyclope.

Enfin, l’excellent musée régional d’Ancud, qui retrace l’histoire assez récente de l’île, vu que les premiers occupants y arrivèrent il n’y a que six mille ans. Les kets s’intéressent particulièrement aux antiquités exposées, comme le gramophone et le sextant.

Heu, c'est comme un GPS.
Heu, c’est comme un GPS.

 

Oui, comme un lecteur MP3.
Oui, comme un lecteur MP3.

Nous achetons ensuite une belle pièce de saumon frais. Directement du pêcheur au consommateur, en passant par la cuisinière en chef du CC et accompagnée d’un riesling chilien, c’est un régal. Même les kets vident leurs assiettes sans zievereer et en redemandent une rawette tandis que leur Maman préfère encore une slouske. Le ciel bleu étant de la partie, on pousse à l’autre bout de la ville, jusqu’au Fuerte San Antonio, construit par les espagnols en 1778. Avec ses canons pointés vers la baie, il fut en service jusqu’en 1826, les chilotes restant attachés à la couronne d’Espagne jusqu’au finish.

Port d'Ancud.
Port d’Ancud.

 

Fort de roquefort.
Fort de roquefort.

En rentrant au CC, je ramène le linge propre et frais, puis j’aide Catherine à refaire notre lit dans la capucine, c’est vraiment du sport vu le peu d’espace disponible. Il ne reste plus qu’à le défaire.

19 novembre 2015.
Rien de spécial aujourd’hui, le temps est à la pluie. On sort faire quelques courses et on s’occupe des kets : école, dessins et histoires. Un peu de chambard aussi et encore une belle pièce de saumon.

Il est frais, mon saumon.
Il est frais, mon saumon.

27 Ancud

Ancud.
Ancud.

20 novembre 2015.
Il pleut sans discontinuer depuis hier midi. Ça fait long et ce n’est pas près de s’arrêter. Rien de tel pour mettre le moral des troupes à l’épreuve. Catherine pète un câble. Les kets pètent les plombs. Je pète une durite (oui, la mécanique m’intéresse de plus en plus). Ça fait du bien. L’orage est passé, celui dans le CC du moins. Soit on attend demain, bien sagement cloîtrés dans le motorhome, soit on se remet en route vers Castro, le chef-lieu de l’île. Il y pleut aussi mais au moins on se réchauffera en roulant. Les kets ont grandi, il est temps de les associer à la prise de décision. Exceptionnellement, j’étends même le droit de vote à ma femme. Le suffrage universel est en vigueur dans le CC. Un P et trois R, on reste donc encore une journée coincés dans les quatre mètres carrés du séjour de notre motorhome pour se tenir chaud. C’est là qu’on se rend compte à quel point, malgré les pétages de câbles, de plombs et de durites, on est une famille forte et unie. Qui pourrait me supporter mieux que ma femme et mes fils ? Malgré mes coups de sang, mes maniaqueries et ma sévérité, ils sont toujours là pour un câlin à Papa. Et Elle aussi. Merci, mes Amours. Bon, il est déjà midi, on prend l’apéro ?

Un ange passe.
Un ange passe.

Des incursions régulières à l’office du tourisme, chauffé, connecté et au sec, nous permettent de suivre la météo et de communiquer avec le reste du monde. La pluie cessera finalement vers 22h, soit après trente-trois heures ininterrompues.

21 novembre 2015.
Après quatre nuits incroyablement calmes, pour un bivouac urbain, nous levons le camp et prenons la route côtière, la W20 asphaltée ou bétonnée, puis la W220, en aussi bon état mais sinueuse et bien pentue par endroits. Elle s’arrête, et nous de même, devant la plage d’où partent les bateaux vers les îlots de Puñihuil. Nous nous garons devant le passage à gué (plus ou moins praticable selon la marée, mais ça constitue un risque sans intérêt pour les 300 mètres qui restent alors qu’il y a un petit pont piétonnier en amont sur la rivière) et allons réserver une croisière vers les îlots, sanctuaire pour les manchots. Des manchots de Magellan et des manchots de Humboldt, ces derniers étant en voie d’extinction. Il n’y a pas de quai et nous montons dans un chariot poussé dans l’eau par de valeureux chilotes, de sorte à embarquer dans le Titanic III (sic) les pieds au sec. La barque secoue un peu, mais les kets sont super contents de voir ces petits animaux dans leur milieu naturel.

Stop, tout le monde descend.
Stop, tout le monde descend.

 

On ne se mouille pas.
On ne se mouille pas.

 

Bande de manchots.
Bande de manchots.

 

Oh, comme c'est mignon.
Oh, comme c’est mignon.

 

Idem.
Idem.

Quelques beaux oiseaux font également partie du tableau, des cormorans, des fous de bassan et des chéplusquoi. Nous passons par Ancud pour déjeuner et prendre une douche chaude à la station-service. Puis, cap sur Castro, le chef-lieu de l’île où nous voulons réserver un ferry dans une agence qui est bien évidemment fermée le samedi. On est samedi. Marche arrière jusqu’à Dalcahue, petit village de pêcheurs dont la belle église, qui vient d’être restaurée, est le siège d’un heureux mariage. Bivouac sur la place du village, face à l’église et à la belle plaine de jeux pour une nuit troublée par les nombreux « meilleurs amis de l’homme » qui rôdent.

Pom-pom-pompom.
Pom-pom-pompom.

 

Iglesia Dalcahue.
Iglesia Dalcahue.

22 novembre 2015.
Les clebs étant plus calmes ce matin que cette nuit, la grasse matinée s’impose jusqu’à ce que les kets envahissent la capucine. Nous prenons un ferry pour visiter une île plus petite, Quinchao, faisant partie de l’archipel chilote qui en compte une quarantaine dont trente-cinq sont habitées. L’archipel couvre 9.182 km2, pour un total d’environ 180.000 habitants.

Get in.
Get in.

 

Get out.
Get out.

Après quelques minutes de navigation, nous débarquons le CC qui s’élance sur la W59, la route asphaltée qui parcoure l’île de Quinchao sur toute sa la longueur, soit environ 25 kilomètres. Nous nous arrêtons à Achao, petit village qui recèle la plus vieille église de tout l’archipel. Édifiée en 1730, son portique en bois terni par le temps annonce la sobriété chaleureuse de son intérieur, dont le parquet lustré a vu passer des générations de fidèles, venus pour un simple office, une confession ou un mariage. Aujourd’hui, c’est un enterrement et nous attendons la fin de la cérémonie funeste pour parcourir les nefs centrale et latérales.
42 Achao

Deux anges passent.
Deux anges passent.

44 Achao

La plus vieille.
La plus vieille.

A 16h22, alors que je repasse seul avec recueillement devant la petite église, une jeune fille me demande l’heure, puis m’annonce solennellement que je suis grand et beau. La brave petite, elle ne m’apprend rien, bien sûr, mais je feins de ne pas la comprendre et rejoins prestement ma légitime et mes héritiers pour admirer le spectacle de la baie maritime qui s’ouvre devant nous.

23 novembre 2015.
Avant de retourner sur l’île de Chiloe, le petit village de Curaco de Velez nous tend les bras. L’église y est rustique mais la place principale dégage une belle sérénité. Une promenade aménagée le long de la mer, la Costanera (un peu comme une digue de chez nous, en plus petit et les barres d’immeubles en moins) nous permet d’apprendre que des oiseaux migrateurs, tel le Zarapito, que vous connaissez sans doute sous le nom de Numenius Phaeopus, parcourt plus de dix mille kilomètres en quelques jours lorsqu’il quitte l’archipel chilote pour rallier l’hémisphère nord. Également en démonstration dans la baie, quelques cygnes à col noir, mieux connus sous l’appellation Cygnus Melancoryphus, c’est à signaler.

Faut pas se louper.
Faut pas se louper.

Le passage en ferry se passe aussi bien qu’à l’aller et nous arrivons avant midi à Castro pour y réserver une traversée de Quellon à Puerto Chacabuco, départ le 2 décembre 2015. Ça nous laisse dix jours pour faire les 90 kilomètres qui nous séparent de Quellon, c’est beaucoup, mais on préfère ça que de faire demi-tour. En fait, on aurait dû soit se rendre auparavant à l’agence de Puerto Montt, soit venir directement à Castro pour s’assurer une place plus tôt sur un ferry. Donc, on visitera Castro demain et j’emmène les kets à la bibliothèque municipale, ils adorent découvrir de nouvelles histoires, et Catherine a besoin de souffler. Bon, c’est vrai, elle a donné l’école pendant que je me promenais en ville.

24 novembre 2015.
Rien de spécial aujourd’hui. On visite l’église San Francisco, communément appelée l’église de Castro. L’intérieur est sobre et chaleureux, tout en contraste avec l’extérieur aux couleurs vives. Puis direction un autre temple, le Mall Paseo Chiloe, faut bien remplir le frigo. Le musée est fermé, ce qui arrange bien les kets : la bibliothèque ne l’est pas.

En mauve et jaune.
En mauve et jaune.

 

D'un temple ...
D’un temple …

49 Castro

... à l'autre.
… à l’autre.

 

Trois anges passent.
Trois anges passent.

Pour assurer la communication pendant le voyage (oui, je passe du coq à l’âne, ce qui suit intéressera plus particulièrement les voyageurs) avec la famille et les amis, pour suivre l’actualité internationale et pour organiser notre parcours, il nous faut régulièrement une connexion à Internet, de préférence par wifi. Comme bon nombre d’overlanders, je suis donc souvent à l’affût d’une bonne connexion. A cet égard, le Chili nous gâte, surtout en ces contrées reculées ou le gouvernement développe un programme visant à connecter le moindre petit bled, en mettant à disposition un accès libre à Internet par wifi sur les places de village. Mais parfois, ça plante et ça n’a pas toujours été aussi facile, raison pour laquelle il faut parfois ruser pour être connecté. Au Chili également, les bibliothèques offrent un accès à Internet par wifi, même pour les étrangers, sauf qu’il ne fonctionne pas pour les étrangers. Il faut donc s’inscrire en tant que résident chilien, avec son numéro de RUT (sorte de registre national) qu’évidemment, je n’ai pas. J’ai donc relevé un RUT sur la porte d’un débit de boisson et je me suis inscrit avec ce numéro, et voilà le travail.

Slim van de Lijn.
Slim van de Lijn.

Souvent, il suffit de demander le code du wifi dans un établissement d’horeca. En cas de refus, j’observe autour du bar ou de la réception, le code y est souvent affiché au mur ou sur un bout de papier du dernier client. En dernier recours, je tente ma chance en devinant, c’est souvent le nom de l’enseigne, parfois en majuscules, j’en ai déjà une belle série à mon actif. Mais ce n’est pas tout. Au sommet de mon art, j’arrive même à remplacer, tout seul, une ampoule du porteur Iveco. Fiat lux.

25 novembre 2015.
On le savait, Chiloe est synonyme de pluie. La journée n’y déroge pas, mais nous sortons visiter le musée régional, présentant quelques objets hétéroclites, de belles maquettes illustrant des scènes de vie et des panneaux informatifs. La bibliothèque nous accueille le reste de la journée. Aussi, comme mon épouse est enchantée de mon service de nettoyage à sec, j’amène encore sept kilogrammes de linge à la lavanderia du coin.

Museo.
Museo.

26 novembre 2015.
Déjà trois nuits ici, c’est sympa, mais on a envie de bouger. Une bouteille de gaz s’est vidée, on essaie de la remplir, mais on fait choux blanc, tant chez Lipigaz qu’à Gazco, nous n’avons donc plus que trois semaines d’autonomie avec la deuxième bouteille. Nous quittons Castro en passant devant les palafitos de Gamboa, des maisons en bois, colorées et sur pilotis. Certaines d’entre elles sont parfois déplacées, par flottaison ou tirée par des boeufs sur des rondins.

Palafitos.
Palafitos.

Ce sont des mobiles-homes, en quelque sorte, qui sont grands comme deux fois le motorhome des Castagna selon Alexis. Oui, l’intégral Niesmann-Bischoff de nos amis français est devenu une unité-étalon dans les yeux de nos kets. Petite pause près de l’église de Nercon où j’ai la bonne idée de faire une marche arrière jusqu’à une grosse souche. Ça ne plaît pas trop au pare-chocs arrière. Je me suis fait avoir comme un bleu sur ce coup, ce qui m’autorise à pester sur mon épouse. Quelques visses et rondelles bien placées plus tard, heureusement que j’ai une boîte à outils très fournie, il n’y paraît plus rien.

Nercon, face A.
Nercon, face A.

 

Nercon, Face B.
Nercon, Face B.

Nous poursuivons jusqu’à Chonchi, où à peine arrivés et connectés au wifi libre du gouvernement, nous recevons un message des Mollalpagas (Victor, Anaïs, Audrey et Sylvain), ils arrivent ! C’est formidable, heureusement qu’on n’a pas eu le ferry tout de suite finalement. On met les kets au lit pour prendre notre soirée et on s’installe dans le salon de nos nouveaux compagnons. On ne se connaît qu’au travers de nos sites respectifs mais on en a des choses à se raconter. L’ambiance est bonne et les verres de vins se vident anormalement vite en raison d’un phénomène inexpliqué d’évapotranspiration dans leur CC.

Chonchi.
Chonchi.

 

Avec les Mollalpagas.
Avec les Mollalpagas.

 

Bivouac à Chonchi.
Bivouac à Chonchi.

27 novembre 2015.
J’avale discrètement un Dafalgan et un grand verre d’eau au réveil de ce matin ensoleillé. La nuit a été courte et bruyante. Vers 4h du matin, le voisin (ce n’était pas Sylvain) a fait du grabuge sur la porte de son propre garage, sa femme refusant de lui ouvrir. Ivre mort qu’il était, le pey s’est endormi sur le pas de sa porte. Les folles nuits chilotes (pas oublier le « l ») n’en finissent pas de nous divertir. Après l’école des jeunes français, nous réunissons les deux familles pour écumer le village, comme le ferait une bande urbaine, sauf que nous ne mitraillons qu’avec nos APN. Les trois garçons s’en prennent au Père Noël avant d’aller profaner la sérénité de la petite église fondée par des jésuites en 1754.

Sans pitié.
Sans pitié.

 

Eglise de Chonchi.
Eglise de Chonchi.

 

Aussi.
Aussi.

 

Y'a plus qu'à.
Y’a plus qu’à.

Le moteur à peine tiède, nous montons en première la rue pentue interdite aux plus de cinq tonnes, les Mollalpagas restant à distance de notre nuage de CO2. Les deux motorhomes filent ensuite comme le vent pour traverser d’une traite l’île d’Est en Ouest, sur la W80 puis la W850 qui longent le lac Huillinco. Nous nous arrêtons à Cucao, porte d’entrée du secteur Chanqui du PN Chiloe. Il fait assez beau, nous préparons un pique-nique et nous allons nous promener jusqu’à la plage venteuse, rien de tel qu’une bonne tartine au sable ! Mais les enfants sont heureux et jouent sur la plage, tandis qu’un groupe de chevaux sauvages file au triple galop. Le petit sentier aménagé traverse quelques dunes recouvertes de végétation. Un autre sentier mène au lac où un point de vue est aménagé, c’est vraiment magnifique, je ne m’en rends compte qu’en regardant mes photos ce soir, distrait sur j’étais à causer avec Sylvain.

Les pieds dans le sable.
Les pieds dans le sable.

 

... à la vitesse d'un cheval au galop.
… à la vitesse d’un cheval au galop.

Une troisième ballade s’offre à nous, sur des passerelles posées au creux d’une forêt impénétrable, les kets restent au CC avec Catherine pendant cette dernière balade qui se termine sur un sentier boueux. Bivouac en compagnie des Mollalpagas, sur l’herbe d’un terrain de foot, à côté d’une église. Nous passons une bonne soirée dans le CC des VW (prononcez véwé), le vin coule à flots, les bons mots fusent, l’ambiance est bonne, jusqu’à ce que ça dérape. Audrey et Sylvain se moquent ouvertement de l’écran de la caméra de recul. Bon, ok, ce n’est pas un écran plat, mais au moins, il ne manque pas de profondeur de champ, ça peut toujours servir pour les manœuvres.

Bivouac.
Bivouac.

 

Jaloux !
Jaloux !

28 novembre 2015.
Bonne nuit, calme et fraîche. Après l’école (pour les français), les enfants jouent sur le grand terrain tandis que les adultes échangent. Des fichiers numériques pour les hommes et des recettes pour les femmes, quel cliché ! Les Mollalpagas remontent vers le Nord, ils ont un avion à prendre mi-décembre pour l’île de Pâques (hé oui, il y en a qui ne se refusent rien) et nous quittent non sans avoir bien gâté les garçons. Rencontrer cette famille nous a fait le plus grand bien, ils nous ont communiqué cet enthousiasme qui nous a manqué ces derniers jours, un peu coincés que nous étions sur cette petite île pluvieuse, comme l’a souligné Charles Darwin suite à ses trois séjours sur l’île, en 1834 et 1835 : « … creo que hay pocos lugares en el mundo donde lluvia más ». Sauf que lui, il l’a dit en anglais. Pas si pluvieuse que ça en réalité, le ciel dégagé et ensoleillé nous invite à retourner dans le parc national pour parcourir à quatre les sentiers aménagés. Les kets s’amusent beaucoup sur les passerelles en bois et cherchent des traces d’ADN de la pauvre Anaïs qui s’était cogné la tête la veille sur un tronc d’arbre en travers du chemin. Puis ils décorent leur pantalon sur le sentier boueux qui termine la boucle, quel régal. Nous bivouaquons devant le portique du parc, satisfaits de cette bonne journée.

Mirador, pour mirader.
Mirador, pour mirader.

 

PN Chiloe.
PN Chiloe.

 

Saute !
Saute !

 

La gadoue, la gadoue.
La gadoue, la gadoue.

29 novembre 2015.
Longue séance de Skype avec famille et amis ce matin, puis longue ballade sur la plage. Valentin a eu la bonne idée de prendre le cerf-volant cette fois, il court avec son grand-frère à perdre haleine. Nous utilisons les coquillages pour réviser l’alphabet et revenons par le sentier des dunes bordés de plantes à genets. Catherine en profite alors pour me raconter l’histoire d’une famille princière, de la lignée des comtes d’Anjou. Quelle culture.

Jeux d'enfants.
Jeux d’enfants.

74 Cucao

En direc d'Anjou.
En direc d’Anjou.

Au retour, nous visitons le petit musée du parc, Alexis s’intéresse franchement aux objets et photos exposés, tandis que Valentin court partout et me demande de répéter ce que j’ai juste expliqué à son frère. On est sync(h)ro, chez les VW.

30 novembre 2015.
Journée logistique aujourd’hui, après avoir envisagé de revendre au Chili le CC à des français à la fin de notre voyage, on a récemment privilégié l’option de le rapatrier pour le revendre en Belgique à ces mêmes français. En cause, la difficulté d’importer de manière définitive un véhicule en Amérique du Sud. On étudie donc le planning de notre itinéraire et on contacte les transitaires pour le shipping retour du motorhome. Rien d’excitant ni d’enthousiasmant, vu que ça nous projette dans le retour à une autre réalité de la vie, mais il faut bien y passer. Les kets ont dû ressentir notre fébrilité et nous le rendent bien.

1 décembre 2015.
Il fait encore un temps superbe aujourd’hui. Je me ballade une dernière fois sur ces magnifiques sentiers du PN Chiloe et j’aide un chauffeur de bus à redémarrer son engin en le poussant sur quelques dizaines de mètres (le bus, hein, pas le chauffeur), ce qui me vaudra une fois de plus toute l’estime de mes fils, Valentin considérant que je suis « Presque hypèrement fort comme Hercule ».

PN Chiloe.
PN Chiloe.

 

PN Chiloe.
PN Chiloe.

 

Oh hisse, la saucisse !
Oh hisse, la saucisse !

Satisfait d’avoir épaté mes fils, je conduis jusqu’à Quellon d’où partira demain le ferry. Le départ est d’ailleurs confirmé au bureau de Naviera Austral où nous présentons le véhicule qui a été inscrit en catégorie fourgon et non casilla rodante, ce qui nous vaut d’ailleurs une fameuse économie par rapport aux tarifs mentionnés sur internet. Nous traversons la ville jusqu’à la Playa de Punta Lapa où se situe le kilomètre zéro de la Panaméricaine, qui depuis Anchorage cumule 21.000 kilomètres au travers des pays que nous avons visités (sauf El Salvador).

Zéro pointé.
Zéro pointé.

 

Top.
Top.

Le monument commémoratif est un peu chiche et la plage moins belle que celle d’Anakena, mais ça reste un lieu symbolique que nous ne voulions pas rater. En plus la vue est magnifique : tandis que nous sommes au bout de l’île de Chiloe, s’ouvre devant nous le Golfe du Corcovado, dominé par le volcan éponyme dont la cime blanche est parfaitement visible, bien qu’à plus de 60 kilomètres d’ici !

2 décembre 2015.
On a beau être au kilomètre zéro de la Panam, ce n’est pas pour autant la fin du voyage, loin de là. Nous nous installons pour la journée sur la Costanera de Quellon, devant le bureau de Naviera Austral. La ville, petite et quelque peu désolée, offre un triste spectacle au premier regard, avec ses nombreux ivrognes à la mine patibulaire, mais elle conserve un certain charme sous le soleil printanier qui fait croire aux bimbos du cru qu’elles peuvent s’habiller comme sur la Costa del Sol. Quellon a connu son essor dès les années 80 avec la pisciculture du saumon, ressource grâce à laquelle le Chili talonne la Norvège au rang de premier producteur mondial. Mais une maladie de la vache folle version piscicole est passée par là et la cité ne s’en remet pas. Rien de cela n’est évoqué dans le petit musée municipal qui a le mérite de présenter les nombreux personnages de la mythologie chilote. Retenons-en trois. D’abord, El Trauco, une espèce de gnome pervers et magique qui déflore les pucelles et présente de même ses hommages aux femmes de marins, si bien que les femmes tombées enceinte sans raison apparente clament qu’elles se sont fait attraper par El Trauco. Ensuite, La Pincoya, véritable naïade censée aider les marins en détresse ou leur indiquer la présence d’eaux poissonneuses. Enfin, El Caleuche, une sorte de navire-fantôme possédant des capacités de camouflage dignes d’un avion furtif.

C'est sur rdv ?
C’est sur rdv ?

 

Encore un musée.
Encore un musée.

82 Quellon

Y'a plus qu'à.
Y’a plus qu’à.

Bref, les marins chilotes d’antan ont dû bien forcer sur le tord-boyaux pour assoir le foyer d’une telle mythologie. Nous faisons quelques courses en prévision de la longue traversée qui nous attend : une trentaine d’heures, si tout va bien. Départ de Quellon à 23h, arrivée à Puerto Chacabuco à 5h. Bref, deux bonnes nuits en perspective, surtout qu’on est censés rester à l’étage pour passagers, dans des sièges aussi confortables que ceux qu’on trouve dans les avions. Mwouais, on verra ça. L’embarquement est prévu à 20h30, on embarque finalement à 22h30, dans le noir, en marche arrière, à l’aide de grosse calles de niveau en bois pour ne pas arracher le réservoir de carburant et les évacuations des eaux grises.

En douceur.
En douceur.

 

Bien calés.
Bien calés.

 

33 heures de croisière.
33 heures de croisière.

Officiellement, les enfants et Catherine n’ont jamais embarqué dans le navire, vu qu’ils restent au lit dans le CC alors que je pars à la découverte des quartiers réservés aux passagers en présentant mon ticket. Les douches sont bien cachées, et je les trouve dans le salon VIP en me repérant sur le plan du navire et, bien entendu, je retourne me coucher dans le motorhome.

3 décembre 2015.
Forcément, la nuit fut agitée et agrémentée du bruit des moteurs, mais on était certainement mieux lotis que les backpackers entassés dans la master room aux effluves de vieilles chaussettes humides. La grisaille est de la partie, nous maintenons donc notre quartier général dans le CC, avec quelques incursions en territoire hostile, c’est que tout de même, les paysages sont grandioses. La vision fantasmagorique des fjords chiliens dans la brume a quelque chose de prenant. Les haltes agrémentent la traversée, au gré d’une plage perdue dans un coin reculé, au bénéfice d’un vieux pick-up tout rouillé et de quelques locaux au visage buriné. La traversée est longue, heureusement que Manu, le routard français dont le bonnet péruvien ne quitte jamais la tête, met l’ambiance avec son ukulélé tandis qu’un terrible navet avec Sandra Bullock (ok, c’est un pléonasme) en tête d’affiche est diffusé sur les écrans.

Ne vois-tu rien venir ?
Ne vois-tu rien venir ?

 

Non.
Non.

 

Fjord.
Fjord.

 

Ferry.
Ferry.

 

L'activité du jour.
L’activité du jour.

91 Ferry
Mais la croisière suit son cours au travers d’un étroit chenal, sur les rives duquel on aperçoit parfois une maison isolée, chauffée au feu de bois à en juger l’épaisse fumée qui s’en échappe, et éclairée grâce au groupe électrogène pour les plus nantis de leurs occupants. Et dire que ces bienheureux vivent sans Facebook.

4 décembre 2015.
Le ferry devait arriver vers cinq heures du matin à Puerto Chacabuco, du coup nous ne dormons que d’un œil pour ne pas louper le débarquement, mais il n’arrivera qu’avec trois heures de retard, de sorte que nous avons le temps d’admirer le lever du soleil et de prendre encore une bonne douche.

Waouw.
Waouw.

 

Re-waouw.
Re-waouw.

 

Re-re-waouw.
Re-re-waouw.

 

Avec assistance.
Avec assistance.

Sortir par la rampe d’accès n’est pas évident, mais avec l’assistance d’Alix, qui voyage dans un vieux camper chilien avec Alex et deux grands chiens, ça devient plus facile. Elle est chauffeur de poids lourd en France et donne les instructions aux matelots pour sortir le CC sans dommage. Ma femme prend des photos. Nous suivons ensuite la route 240CH (en bon état) qui traverse Puerto Aysen et qui file vers Coyhaique au travers d’un magnifique paysage bucolique. C’est le printemps et le paysage est inondé de petites fleurs jaunes (des genêts) et mauves (des lupins). Nous scrutons les bords de la route à la recherche des Janco, des belges une fois (ça, c’est pour faire plaisir à nos lecteurs français) qui voyagent à bord d’un Def 110 avec trois kets ! Nous arrivons à Coyhaique sans les avoir trouvé, mais c’est l’occasion de remplir une bonbonne de gaz avec soulagement car il ne nous restait plus qu’une dizaine de jours d’autonomie (chez Gasco, GPS : -45,57004, -72.00963, insister gentillement), d’acheter du pain frais et de recevoir un message des Janco : on fait demi-tour et on les retrouve au Camping San Sebastian de la RN Rio Simpson.

Salto de la Novia.
Salto de la Novia.

 

Chili austral.
Chili austral.

 

Un ket avec un ket.
Un ket avec un ket.

C’est trop chouette, on peut parler belge sans traduire en français (passe-moi la loque, encore une slouske, on a bien guindaillé, range ton bardaf, tu veux une pintje, etc). Pendant ce temps, les kets sont embusqués dans les hautes herbes, à l’affût d’un puma. On les met au lit pour profiter d’une bonne soirée, entre adultes consentants, non pas au coin du feu, mais devant notre petit chauffage d’appoint électrique. Tu parles d’aventuriers !

5 décembre 2015.
Ce matin, c’est plus sérieux. Lessives, vaisselles, échange de fichiers et de bons tuyaux. On travaille, tandis que les kets sont sur une autre planète. Difficile de les arracher à leurs nouveaux copains, mais les Janco ont un bateau à prendre.

Une fois, non peut-être.
Une fois, non peut-être.

 

Ceci est un hold-up.
Ceci est un hold-up.

 

VW et Janco on the way.
VW et Janco on the way.

Nous ne quittons le camping qu’en milieu d’après-midi, pour s’installer sur une place bruyante à Coyhaique, on a des courses à faire et des mails à envoyer, raisons suffisantes pour s’arrêter dans cette ville sans grand intérêt.

6 décembre 2015.
Aujourd’hui, c’était bel et bien ma fête, pourtant personne, absolument personne n’a pensé à me la souhaiter bonne. Ce n’est pas grave vu que je n’y crois pas trop, en tout cas moins que mes kets qui étaient anormalement matinaux : je les ai surpris en train de découvrir, à la lueur d’une lampe de poche, ce que le Grand Saint leur avait apporté.

Merci, merci, St-Nicolas.
Merci, merci, St-Nicolas.

Reste à savoir par où il est passé. Les garçons sont trop affairés à étrenner les nouveaux jouets, je pars seul à la recherche d’un robinet d’eau potable, et comme je ne regarde pas le trottoir, mon hallux gauche se fracasse dans son élan sur une marche, il faut reconnaître que j’ai le pas leste. Ma fête, je vous dis. De retour au CC, Alexis a déjà démoli une voiture de course et le duct tape ne peut rien y faire, pas plus du moins que pour mon orteil. La ville n’a rien de spécial à offrir, si ce n’est toutes les commodités d’usage, dont nous usons avant de migrer vers des contrées encore plus reculées. Si, si, c’est possible.

7 décembre 2015.
Nous réservons une traversée sur le ferry la Tehuelche qui relie Puerto Ingenerio Ibáñez à Chile Chico, ce qui nous évitera environ 260 kilomètres de piste moyenne pour contourner le Lago General Carrera et prenons ainsi la route qui traverse des paysages magnifique et qui, de surcroît, est asphaltée, jusqu’à Puerto Ingeniero Ibáñez, petite ville d’accès au deuxième lac d’Amérique du Sud par la taille. C’est d’ailleurs incroyable l’isolement de village, à 118 kilomètres de Coyhaique. Le gars qui veut faire des grosses courses : boum deux heures de route. Par trajet. Il n’a pas intérêt à oublier les patates.
103 Coyhaique

Photo, photo !
Photo, photo !

 

Descente sur Ibañez.
Descente sur Ibañez.

 

Lago General Carrera.
Lago General Carrera.

Le CC est stationné sur un coin de la plaza de Armas rénovée en 2013 avec une belle plaine de jeux et wifi, presque à l’abri du vent. Nous nous promenons sur la Costanera, bien aménagée avec passerelles et pontons. Le lac couleur émeraude qui s’étire n’est autre que le Lago General Carrera dont nous ne voyons d’ici qu’une toute petite partie.

Dès que le vent soufflera, ...
Dès que le vent soufflera, …

 

Ibañez.
Ibañez.

 

Ibañez.
Ibañez.

 

Ibañez.
Ibañez.

8 décembre 2015.
Le vent s’est levé pendant la nuit, et même protégé par le bâtiment de la radio locale, les rafales font vibrer le camion. Je veux aller en repérage à l’embarcadère du ferry que nous prendrons demain matin et, dans un élan de solidarité émouvant, Catherine et les garçons m’accompagnent. Il n’y a qu’un kilomètre à parcourir, mais ça décoiffe.

Pas un chat.
Pas un chat.

 

Merci, ChileGob.
Merci, ChileGob.

 

... ça balance pas mal.
… ça balance pas mal.

L’accès n’est pas aisé, à cause de la forme en V formé par l’embarcadère et la rampe du ferry, mais avec les cales en bois, ça devra le faire. La bibliothèque étant fermée au même titre que le musée, nous trouvons refuge dans un magnifique mobilhome immatriculé en Belgique. Le nôtre. A part nous, il n’y a pas un chat. Que des chiens. Des chiens qui n’aboient que la nuit. Alors que nous allons nous coucher, les rafales de vent reprennent de plus belle. Mon épouse, qui a toujours une analyse fine de la situation, me dira : « Quel vent, c’est incroyable. Chez nous, ils auraient déjà fermé le bois de la Cambre ».

9 décembre 2015.
Ça fait deux jours qu’on est là, mais les carabineros attendent 6h du mat’ alors que tout le monde dort pour toquer à la porte : le CC est garé du mauvais côté de la rue. Je le savais bien et c’était fait exprès : d’abord pour se protéger du vent, ensuite pour prendre la bonne pente de sorte à tenir le motorhome à plat. J’explique poliment à l’agent que les kets dorment et que ça vaut toutes les contraventions du monde. Il nous donnera un sursis. Le vent ne fait pas relâche mais l’embarquement se passe en douceur, et le ferry prend le large sur les eaux couleur émeraude du lac.

On ne les compte plus.
On ne les compte plus.

 

Ferry.
Ferry.

Une fois passé la baie de Puerto Ingeniero Ibáñez, l’eau prend une teinte bleu royal. C’est fascinant. Nous flirtons allègrement avec la frontière argentine. Le lac s’étendant sur deux pays, il possède d’ailleurs deux noms : Lago Buenos Aires côté argentin et Lago General Carrera côté chilien. En tout cas, le paysage est magnifique. Imaginez le Grand Large à Mons. Faites 4.625 fois plus grand, mettez-y de l’eau bien bleue, entourez-moi ça de belles montagnes avec un peu de neige et quelques glaciers et virez toutes les grosses villes à des dizaines de kilomètres à la ronde. Hé, ça a de l’allure, hein ? C’est avec émotion que nous débarquons à Chile Chico, mais seuls les Belges qui ont vu au moins une fois le reportage d’Anne Lévy-Morelle (Le Rêve de Gabriel) peuvent comprendre pourquoi. Nous n’y rencontrons que deux familles françaises, c’est déjà pas mal et en plus ils sont sympas. On doit juste faire attention quand on veut dire : 8, 70, essuie, ket, etc. Le CC est posé à l’abri du vent, face à la belle plaine de jeux. Catherine assure les relations publiques belgo-françaises et je remplis, au bidon, le réservoir d’eau du motorhome en traversant dix fois la Plaza de Armas. Puis nous montons au Mirador qui domine la ville, une Rose de Brest y est représentée au sol. Comme vous le savez tous, une Rose de Brest est une rose des vents qui figure de manière proportionnelle la vitesse relative des vents dans les différentes directions en un point, ainsi que leur fréquence et leur puissance.

Rose de Brest.
Rose de Brest.

10 décembre 2015.
Au réveil ce matin, la famille Content est déjà partie, avec le ferry de 8h (oui, on a fait la grasse mat’) et la famille Bernaud s’élance sur le ripio de la route 265CH. Nous leur remettons solennellement une fourchette égarée des Mollalpagas, ils ont pour mission, puisqu’ils l’ont acceptée, de la leur restituer.

Mission : impossible ?
Mission : impossible ?

 

On ne se bouscule pas.
On ne se bouscule pas.

Nous partons ensuite à la recherche des derniers belges issus des colons arrivés en 1948, mais ça s’annonce mal : ni l’office du tourisme ni la petite vieille de la maison qui nous protège du vent ne sont au courant de cette histoire. Pourtant, il a dû le voir passer souvent, Gabriel de Halleux, le bateau Andes qui a, lui aussi, contribué au développement de cette contrée isolée. Construit en Angleterre en 1922, il a traversé l’Atlantique jusqu’à Puerto Deseado (Argentine) pour être acheminé par voie terrestre et voguer sur les eaux du lac jusqu’en 1994. Le vent ne faiblit pas et nous nous installons encore une fois dans une bibliothèque municipale pour l’après-midi.
118 Chile Chico

11 décembre 2015.
Nous passons encore un bon moment au chaud dans la bibliothèque, puis faisons quelques courses avant de quitter Chile Chico. Ce n’est qu’à la sortie de la petite ville que nous verrons enfin une preuve du passage des belges dans le coin : Don Gabriel a laissé son nom à une rue. Soulagés, nous traçons, poussés par le vent d’Ouest, jusqu’au passage frontalier du Paso Jeinimeni.

Don Gabriel.
Don Gabriel.

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