De Gorème à Gürbulak border (du 25.03.2018 au 31.03.2018 – 1.265 km – 5.679 km cumulés)

25 mars 2018.

Les nouvelles du front ne sont pas bonnes : pour la troisième journée consécutive, les vols de montgolfières ont été annulés. Du coup, c’est complet pour demain en raison des multiples reports, et nous sommes vus en gezien. Il ne me reste plus qu’à m’installer à l’agence comme si c’était chez moi, à s’n’aise, pour publier sur le site. Pendant ce temps-là, les kets apprennent les principes élémentaires de l’accord des adjectifs à leur mère. Le moral des troupes n’est pas au beau fixe, à cause de cette incertitude sur les vols en ballon. Rien de mieux qu’une belle promenade en famille jusqu’au petit village de Çavusin en passant par la vallée des Roses. Nous ne sommes qu’à peine dérangés par des dizaines de quads et de motards qui ne savaient pas qu’il était possible de faire la même rando à pieds ou à cheval, vive l’écotourisme.

Tonton tapis.
Tonton tapis.
"Quadard" rime avec ...
« Quadard » rime avec …
Cappadoce !
Cappadoce !

Cela ne gâchera pourtant pas cette petite ballade qui permet de prendre la mesure de ces cheminées de fées et de ces différentes strates formées par les multiples éruptions volcaniques des trois volcans du cru. Le soleil brille et accentue le contraste des couleurs qu’offre la géologie des lieux. C’est magnifique, les kets sont aux anges, ils se prennent pour les premiers explorateurs, faisant totale abstraction des détritus qui jonchent le chemin.

Gorème.
Gorème.
HLM.
HLM.
Gorème.
Gorème.
HLM aussi.
HLM aussi.

Nous rentrons au CC et j’envoie mon épouse en éclaireur à l’agence tandis que j’installe les kets dans le CC. La boulette. Je la rejoins en pressant mon pas, déjà bien leste habituellement, tandis qu’elle hurle sur le pauvre type de l’agence qui s’enfonce dans son fauteuil. Il a manifestement mal communiqué certaines informations, ce qui a le don de courroucer ma tendre, surtout quand il ajoute que les réservations sont « full capacity » pour une semaine et qu’il cherche à nous trouver des places auprès d’une autre compagnie. Bref, nous ne sommes pas près de nous envoyer en l’air. Je mets Catherine aux arrêts dans le CC pour qu’elle reprenne ses esprits, et surtout pour qu’elle nous prépare des crêpes, c’est toujours ça de pris. Puis, j’accompagne les kets qui veulent absolument emporter un souvenir de Cappadoce : une montgolfière. C’est toujours ça de pris aussi.

Toujours ça ...
Toujours ça …

26 mars 2018.

Dans le doute, je contacte une autre agence, qui travaille avec un autre opérateur, et qui me confirme que les chances sont grandes pour que les vols des deux prochains jours soient encore annulés. Ce n’est donc pas de la chance, mais bien un risque. Nous ne voulons pas nous dégonfler, mais je ne nous vois plus rester encore deux jours à attendre pour rien. Bref, ‘y en a marre, on va se barrer. Après trois nuits sans bouger, le ronron du Transit nous manque (personne n’est malade, hein, le Transit, c’est le porteur) et nous levons le camp en début d’après-midi, pour sortir officiellement de la Cappadoce, après avoir dépassé la banlieue de Kayseri. Nous nous arrêtons pour la nuit dans un village coupé en deux par la grand-route, le caravansérail étant fermé d’un côté, nous optons pour la plaine de jeux ouverte de l’autre côté. De toute façon, nous n’étions qu’à cent mètres de la mosquée dans les deux cas.

Option A
Option A
Option B
Option B

27 mars 2018.

Nuitée calme, à part le muezzin qui ne pouvait plus s’arrêter à l’aube. Les gamins de l’école d’à côté nous saluent puis nous interpellent : « Money, money, money ». Comme quoi, ABBA est loin d’être démodé ! Sur ce, nous prenons congé : une longue journée de route s’offre à nous. Nous piquons vers le Sud, en direction de la Syrie, jusqu’à en être distants de quelques dizaines de kilomètres (70 km). Les contrôles sont un peu plus nombreux mais nous ne sommes jamais embêtés. Par contre, ils sont bien plus sécurisés, par des blindés ou des gars en treillis qui gardent les checks-points, protégés par d’énormes blocs de béton. En traversant une grande ville, les kets dénombrent pas moins de 32 mosquées, la plupart semblant neuve, la religion est en pleine recrudescence par ici. Pour rallier notre destination, le site d’Antiochos, au sommet du Nemrut Dagi, nous passons par le petit village de Narince, car la route y est a priori meilleure : pas de piste et seulement 12 kilomètres pour monter de 1.200 m, soit une pente moyenne de 10 pourcents, sur des pavés en béton. Nous arrivons ainsi – en première, le moteur prêt à exploser – à 2.040 m d’altitude et il ne nous reste qu’une quinzaine de minutes de marche pour monter et atteindre l’énigmatique site d’Antiochos. Il y a encore de grandes poches de neige et ça caille, mais c’est franchement magnifique, d’autant plus que nous assistons au coucher du soleil et à l’extinction, derrière le firmament, de ses derniers rayons qui semblent nous caresser le visage comme un ultime au revoir avant cet abandon à la nuit noire et aussi froide que ces statues qui gisent là, à scruter l’horizon depuis la nuit des temps anciens. Bon assez déconné, il fait sec ici. Nous pouvons passer la nuit sur le parking complètement schiev, à côté de la caravane du gardien. Pas de moto, pas de muezzin, pas de coq. Pour fêter dignement ça, j’ouvre le dernier Orval.

Nemrut Dagi (Antiochos)
Nemrut Dagi (Antiochos)

04.12 Nemrut Antiochos

Nemrut Dagi (Antiochos)
Nemrut Dagi (Antiochos)
Nemrut Dagi (Antiochos)
Nemrut Dagi (Antiochos)

28 mars 2018.

J’entends quelques brouhahas sur le parking et j’en conclu que c’est la fin de la nuit : les plus courageux sont très matinaux pour admirer le lever du soleil sur la terrasse Est du mausolée. Moi, j’ai le courage de rester près des miens, bien au chaud dans mon lit jusqu’à ce que tout le monde se réveille. De toute manière, le ciel est couvert, alors circulez ‘y a rien à voir. Après un copieux petit-déjeuner, nous remontons au pied du tumulus haut de 50 mètres et large de 150 mètres.

Nemrut Dagi (Antiochos)
Nemrut Dagi (Antiochos)
Nemrut Dagi (Antiochos)
Nemrut Dagi (Antiochos)
Nemrut Dagi (Antiochos)
Nemrut Dagi (Antiochos)
Nemrut Dagi (Antiochos)
Nemrut Dagi (Antiochos)

C’est que le roi Antiochos, contemporain du grand Jules (oui, oui, celui qui n’était pas falzar), se prenait carrément pour l’égal des dieux. Il s’est donc construit (ou plutôt fait construire) un mausolée au sommet d’une montagne, le Nemrut, avec une terrasse à l’Est, une terrasse à l’Ouest et une troisième au Nord, histoire de boire un godet à l’ombre. Les terrasses étaient dominées par un ensemble de statues monumentales de 8 à 9 mètres de haut, avec que du beau monde : Zeus, Appolon, Tyché, Hercule et Antiochos himself. Sur la terrasse Ouest, la neige recouvre encore les pierres du tumulus et laisse apparaître les têtes redressées, c’est magique. Maintenant, fini de rigoler, il faut redescendre les mille mètres de dénivelé, de préférence sans cramer les plaquettes de frein. Ça chauffe et ça sent le roussi, si bien que je dois arrêter un peu le camion sur un replat, mais ça passe, sur le frein moteur en première pendant 10 kilomètres. Bref, plus d’une heure de descente pauses refroidissement comprises. Nous espérions nous installer dans un camping pour souffler, mais ils n’ont rien d’accueillant en cette avant-saison encore froide. Pas grave, nous avons appris à nous adapter : nous nous contenterons de l’hôtel Hilton de la prochaine grande ville (Diyarbakir). Nous n’en visiterons rien à part l’hôtel : une suite super de luxe, une baignoire, le souper et le petit-déj, tout ça avec vue sur le CC, garé dans la cours de l’établissement.

Pont sur l'Euphrate.
Pont sur l’Euphrate.
King size.
King size.

29 mars 2018.

King breakfast.
King breakfast.

Après avoir pris deux bains et trois douches, fait la lessive dans la baignoire, et les mises à jour des PC, tablettes et smartphones, il nous faut bien quitter le confort de notre chambre de 45 m2 pour retrouver celui du CC qui en compte trois fois moins. La route traverse de beaux et variés paysages : tout d’abord les vastes plaines de champs de blé verdoyant, ensuite les canyons abrupts de la rivière Basur et enfin les rives du lac de Van. Hier, nous avions traversé l’Euphrate, ce matin c’était le Tigre, mais c’est la traversée de la Batman qui a remporté le plus de succès auprès des kets. Fatigué de cette longue route en assez mauvais état, sous la pluie et en travaux, je stationne le CC dans une rue le long du mur d’enceinte du fort d’Ahlat, inconnu au bataillon, mais judicieusement repéré au GPS.

Ahlat.
Ahlat.

30 mars 2018.

Nuitée bien calme, mais froide. Plutôt que d’allumer la chaudière au gaz, je lance le moteur qui réchauffe l’habitacle en roulant jusqu’à trouver une bonne place au bord de ce lac de Van, le plus grand de Turquie, pour prendre le petit-déj avec du bon pain frais de la boulangerie. Après avoir quitté la rive Nord du lac, la route grimpe dans la montagne jusqu’à un col à 2.560 m. Puis commence une sorte de descente aux enfers, toutes proportions gardées bien entendu : l’asphalte est complètement rappé et ça secoue dans tous les sens, il pleut et il y a de la brume, le moindre promontoire est occupé par une tour de guet militaire entourée de barbelés, la terre est sombre, minérale, il n’y a pas un coquelicot à l’horizon.

Tout droit.
Tout droit.

Nous arrivons à Dogubayasit, dernière grande ville avant l’Iran, en fin de matinée et montons directement à l’imposant Palais Ishak Pasha, érigé en 1784 et en assez bon état comme nous le découvrirons après une longue séance d’école. La nuit sera très froide, car la grêle se mélange à la pluie, je laisse tourner donc la chaudière au ralenti pour contrer le gel de cette nuit à 1.940 m d’altitude, surtout qu’il reste du gaz et que j’ai prévu de remplacer la bouteille demain.

Ishak Pasha
Ishak Pasha
Ishak Pasha
Ishak Pasha

31 mars 2018.

Ishak Pasha
Ishak Pasha
Ishak Pasha
Ishak Pasha

Le soleil est radieux ce matin, mais il a neigé sur les hauteurs pendant la nuit. La journée sera longue, très longue, il nous faut donc être matinaux. Arrêt logistique en ville pour quelques courses au Migro, une nouvelle bonbonne de gaz, une tunique longue et un foulard pour mon épouse et le bureau de change pour convertir (bizarre, ce mot vu le contexte) nos dernières lires turques en rials iraniens. Plus de raison de s’éterniser dans cette ville, nous prenons la direction de la frontière tandis que les kets sont épatés par la montagne plus haute que les nuages : vous aurez reconnu le Mont Ararat, point culminant du pays, à 5.165 m. Nous arrivons au poste frontière turc et y trouvons la grille close. Imitant un iranien, je faufile le CC par la sortie, entre des gros camions qui me cèdent le passage. Ça donne l’impression d’être dans un no man’s land. Je plante le Transit devant la grille de l’Iran, puis je vais dans la grande salle d’immigration, il y a une file interminable. Je tente le coup à la douane, je montre les papiers du CC, les cartes d’identités, ma femme et mes gosses puis je laisse le charme agir, pendant que je scrute le train arrière du CC où j’entends un léger sifflement. Ça pue la crevaison lente. Les douaniers sont super sympa, avec nous du moins, ils rabrouent quelques iraniens pour tamponner nos papiers en priorité puis nous laissent filer, ça a pris moins de dix minutes. Nous retournons dans le CC qui souffle toujours, la grille iranienne s’ouvre pour nous …

 

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