Epilogue

Avant même de partir, je savais qu’il me faudrait l’écrire un jour, ce mot de la fin, et pourtant j’avoue qu’il m’aura fallu près d’un an à m’y résoudre.

On a eu beau se préparer et on a eu beau faire traîner (46 nuits sur le bateau, c’est du jamais vécu), le come-back n’en fut pas moins brutal.

En débarquant chez nous, le 6 juillet 2016 au soir, quelques heures après être sortis du bateau, c’est notre voisine qui avait l’air de nous attendre sur son balcon, qui nous l’aura soufflé, ce mot de la fin, tout en nous applaudissant : « Vous êtes déjà rentrés ?! Ça passe vite, hein, deux ans ! Et vous êtes toujours ensembles ?! »  Voilà, tout était dit.

Oui, on est déjà rentrés.  Oui, ça passe vite, si vite, deux ans. Oui, on est toujours ensemble, et il n’y a que ça qui compte.

Je pourrais vous assommer de chiffres et de statistiques, comme j’avais l’habitude de le faire après chaque voyage, mais je n’en ferai rien.  Ou plutôt, je n’en retiendrai qu’un : 681, le nombre de jours qu’on a passés ensembles, tout le temps.  Quel luxe. Je pourrais aussi vous balancer un bilan complet : mêlant logistique (matériel, itinéraire, bivouacs) et superlatifs (plus beau, plus grand, plus haut), mais non.

Pour une fois, je vais me contenter de vous sortir plic-ploc quelques sentiments qui nous sont tombés dessus depuis qu’on est rentrés, et porter un regard rétrospectifs sur les choix qui ont façonnés notre voyage.

RIEN NE CHANGE

C’est incroyable, à peine revenus, on a eu le sentiment, un peu désagréable, de n’être jamais partis.  On a retrouvé notre maison, que le locataire nous a remise en assez bon état, merci à lui, toute notre famille (RIP Mamy Namur, RIP Mamy Nico), nos amis et même nos collègues, vu que nous réintégrons nos fonctions à la fin des 24 mois d’interruption de carrière.  On doit littéralement se replonger dans les photos, les vidéos et le site web pour se convaincre qu’on a bien vécu tout ça.

On doit surtout écouter nos kets, ils parlent toujours des chutes du Niagara, du Grand Canyon, des pyramides de Palenque et de Tikal, de la tyrolienne de Monteverde, du canal de Panama, des baleines de Puerto Lopez, du Machu Pichu, du lac Titicaca, du glacier Perito Moreno (et même du glacier Freddo), d’Ushuaia, des chutes d’Iguazu, de Rio de Janeiro et d’une croisière en bateau.  Donnez-leur une carte des Amériques, ils y verront un album de souvenirs, un album de famille.  Nous ne revenons pas changés, métamorphosés, mais justes grandis et apaisés d’avoir vécu notre rêve.

JE ME FELICITE …

Je me félicite d’avoir choisi notre motorhome, il a rempli le contrat et il est d’ailleurs reparti avec une autre famille, sur les routes et les pistes d’Amérique du Sud.  Si c’était à refaire, j’apporterai une attention plus particulière à la garde au sol et je prendrais une plus grande réserve de gaz propane.

Je me félicite d’avoir pris des smartphones (on s’y est mis au début du voyage) : accès à internet par wifi de manière instantanée, GPS en mode hors ligne, appareil photo/vidéo, multimédia, ainsi que la liseuse électronique pour Catherine et une tablette pour les kets, ça nous a bien aidé pour les longs trajets.

Je me félicite d’avoir pris le talkie-walkie, un transformateur 110V-220V (acheté au Costa-Rica), un chauffage d’appoint électrique (acheté en Bolivie), le petit vélo des kets.

Je me félicite surtout d’avoir pris ma femme et mes kets avec moi, sans eux, le voyage n’aurait pas eu sa raison d’être.

ON A BIEN FAIT …

On a bien fait de commencer par l’Amérique du Nord, ça nous a permis d’apprivoiser les joies du camping-carisme en douceur.

On a bien fait d’aller à l’Île de Pâques et d’y rester une semaine.

On a bien fait de rentrer en cargo, ce fut une période tampon nécessaire entre le voyage et le retour à la vie « normale » (késaco ?)

ET MAINTENANT ?

Maintenant, on a repris le rythme infernal qu’on veut bien s’imposer, puisqu’on sait qu’il n’y a pas que ça dans la vie.

Maintenant, on a appris qu’on a déjà tout ce dont on n’a pas besoin pour vivre heureux.

Maintenant, les enfants ont appris à lire, à écrire, à compter et même à calculer, à nager, à skier, à rouler à vélo.  Tout ça en moins d’un an.  Ils sont formidables.  Et c’est moi leur père.

Et maintenant, vous vous demandez ce qu’on va faire.  Rien de spécial.  On va bien bosser gentiment comme des bons petits soldats, on va bien se satisfaire de la vie qu’on a et qu’on a choisie.  Mais on regardera souvent la carte du monde accrochée au mur du séjour.

HASTA LUEGO.

Voilà, on y est, c’est la fin du mot de la fin.  Pas grand-chose à ajouter.  Tout ce qui devait ou pouvait être raconté l’a été, on garde le reste pour nous.

On ne va pas se faire des promesses de nouveau projet, on va simplement continuer à admirer la vie, nos kets et notre planète.  Nous ne sommes finalement qu’une famille ordinaire qui a vécu une expérience extraordinaire.

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